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Les Flows de Maldoror (Sixième Flow)

Les Flows de Maldoror

Sixième Flow

Bar 1

Yo, vous qui kiffez l’calme ouf qui pimp juste vot’ gueule, pensez pas qu’j’vais encore balancer, genre collégien d’quatrième, des couplets d’quatorze ou quinze lignes, avec des cris qui passent pour chelous ou des gloussements d’poule cochinchinoise, aussi pétés qu’tu pourrais l’imaginer si t’y mettais du tien, fam. Nan, vaut mieux claquer des preuves pour backer mes thèses. Tu vas m’dire qu’parce que j’ai clashé, comme en m’amusant, l’keum, l’Créateur et moi-même dans mes hyperboles qui s’tiennent, mon taff est fini ? Nope, l’gros d’mon grind reste à faire, bruv.

Désormais, les ficelles du roman vont faire bouger les trois keums cités plus haut : ça va leur filer un jus moins perché. L’vibe va s’répandre en mode ouf dans l’torrent d’leur circuit d’sang, et tu vas capter toi-même comment t’es choqué d’voir, là où t’avais cru mater que des ombres floues du délire pur, d’un côté, l’corps avec ses réseaux d’nerfs et ses muqueuses lisses, d’l’autre, l’principe spirituel qui drive les moves d’la chair. C’des keums blindés d’une vie balèze qui, bras croisés, torse en pause, vont s’poser carré d’vant ta gueule (mais j’suis sûr, l’effet va claquer poétique), à deux pas d’toi, genre les rayons du soleil tapent d’abord les tuiles des toits, les cheminées, puis viennent s’refléter clean sur leurs cheveux bien réels, mate.

Mais fini les anathèmes qui font marrer ; les persos bidons qu’auraient dû rester dans l’crâne d’l’auteur ; ou les cauchemars trop loin d’la life normale. Capte bien, ça rend mon flow encore plus stylé. Tu vas toucher du doigt des branches d’aorte qui grimpent, des capsules surrénales ; et pis des vibes ! Les cinq premiers flows, c’était pas du vent ; c’était l’portail d’mon œuvre, l’base d’la construc’, l’préambule d’ma poétique future : j’me d’vais, avant d’boucler ma valise et d’tracer dans les terres d’l’imaginaire, d’briffer les vrais kiffeurs d’littrature, avec un croquis rapide, clair et carré, du but qu’j’ai juré d’chopper, fam.

Du coup, j’trouve qu’maintenant, la partie synthétique d’mon taff est bouclée et bien spliquée. C’par elle qu’t’as pigé qu’j’voulais taper sur l’keum et Celui qu’l’a créé. Pour l’instant, et plus tard, t’as pas b’soin d’en savoir plus ! Des spins en plus, ça m’paraît useless, ça s’rait juste répéter, peut-être plus large, mais pareil, l’idée d’la thèse qu’ce soir va voir son premier décollage, bruv.

Ça sort clair des vibes d’avant : mon plan, c’d’attaquer la partie analytique. Tellement vrai qu’y a juste quelques minutes, j’kiffais l’idée qu’tu sois coincé dans les glandes à sueur d’ma peau, pour checker direct si j’balance du vrai. Faut, j’sais, un max d’preuves pour tenir l’argument d’mon théorème ; ben, ces preuves, elles sont là, et tu captes qu’j’attaque personne sans des raisons solides, mate !

J’me marre à fond quand j’pense qu’vous m’classez d’balancer des accusations amères contre l’humanité, dont j’fais partie (rien qu’ça, ça m’donne raison !) et contre la Providence : j’retracterai rien d’mes mots ; mais, en racontant c’que j’ai vu, ça va pas être dur, sans viser plus qu’la vérité, d’les défendre. Aujourd’hui, j’vais crafter un p’tit roman d’trente pages ; c’te taille va rester à peu près stable après, reckon.

En kiffant voir bientôt, un jour ou l’autre, mes théories validées par une forme d’littrature, j’crois qu’j’ai enfin trouvé, après quelques galères, ma formule béton. C’la meilleure : parc’que c’l’roman ! C’te préface bâtarde a été lâchée d’une façon p’têt pas assez naturelle, genre elle chope l’lecteur par surprise, qui capte pas trop où on veut l’emmener d’abord ; mais, c’te vibe d’choc ouf, qu’on cherche d’hab à éviter pour ceux qui grillent leur temps à lire des bouquins ou des brochures, j’ai tout fait pour la faire pop. Vrai, j’pouvais pas faire moins, malgré ma bonne volonté : c’qu’plus tard, quand quelques romans auront droppé, qu’tu capteras mieux la préface d’ce renégat à la gueule noircie, fam.


Bar 2

Yo, avant d’plonger, j’capte qu’c’est con d’pas avoir (p’têt pas tout l’monde kiffe mon flow, si j’dérape) un pot d’encre ouvert et des feuilles clean à côté, fam. C’comme ça qu’j’lance, full love, c’sixième couplet, balançant des leçons crues qu’j’crève d’envie d’cracher, des scènes glauques qui claquent utile, bruv.

Not’ roi, y s’planque dans des grottes, squatte des coins qu’personne touche, y nique la logique, tourne en boucle serrée : d’un côté, ça booste sa haine pour l’crew, solo vibes et distance qui payent, calant son p’tit turf autour d’buissons rachos, d’épines, d’lianes sauvages ; d’l’autre, son hustle crève la dalle, pas d’jus pour c’minotaure tordu dans ses tripes, ye ken. Du coup, y s’colle près des tas d’keums, sachant qu’avec tous ces cibles faciles, ses envies cheloues ont d’quoi s’régaler, reckon.

Y’a capté l’loi, l’bouclier d’la civ’, l’chasse depuis des piges, tout un squad d’flics et d’mouchards sur son dos, mais y l’ont jamais chopé — ses moves ultra finauds déjouent leurs plans les plus serrés, style ouf, esquivant les pièges montés par les cerveaux les plus aiguisés. Y’a un don rare pour des formes qu’aucun œil rodé capte, des déguisements lockés, un flow d’artiste, des sapes si faibles qu’elles passent crème quand j’parle morale, mate.

C’lui-là, y pose ses couilles d’roi — vous z’avez pas maté c’criquet stylé, speedant dans les égouts d’Paris ? Un keum comme ça, Maldoror, zappe les grosses capitales avec une étincelle sombre, les engourdissant jusqu’à c’qu’y z’arrivent plus à checker leurs arrières. Risque ouf, parc’qu’y devinent même pas — aujourd’hui Madrid, d’main Saint-Pétersbourg, hier Pékin, fam.

Mais caler où c’Rocambole poétique, plein d’vibes flippantes, traîne maint’nant ? Ça dépasse mon crâne épais, bruv. L’bandit peut être à sept cents lieues d’ce coin, ou à deux pas d’toi. Niquer l’humanité, c’pas d’la petite, les lois tiennent bon, mais patient, y les démonte, ces fourmis aides, une par une, mate.

Depuis mes premiers jours, roulant avec les OG d’not’ crew, encore rookie à tendre mes pièges, dans des temps loin, au-d’là des bouquins, shapant des switchs ouf, j’ai sillonné l’globe, des époques profondes, conquêtes, massacres, foutant l’bordel entre keums. J’ai pas niqué des vagues entières sous mes kicks, bout par bout ou d’un coup, un compte si gros qu’c’est pas dur à capter ? L’passé brillant a filé des promesses balèzes pour la suite, et ça les tient, reckon.

Pour raker mon flow, faut plonger brut, r’garder ces keums sauvages pour des leçons, direct. Grands seigneurs, leurs bouches slick font danser chaque goutte d’encre d’leurs lèvres ; y z’ont juste prouvé qu’y a rien d’drôle sur c’caillou, c’globe chelou, mais classe, choper une vibe qu’certains taguent verte (quand c’l’enfer pur), l’tordre pour des pensées qu’claquent pas toujours ouf — putain d’shame, mate !

V’là pourquoi j’jette l’blabla léger, les vibes d’doute, assez sharp pour pas lâcher… j’ai paumé l’début d’mon spit, zappé, mais j’sais qu’la poésie tape là où l’keum, avec son sourire con, s’planque pas, fam.

Faut qu’j’mouche d’abord, j’en ai b’soin, puis, main lourde, choper c’stylo qu’mes doigts ont lâché — comment l’pont Carrousel garde son chill quand y capte c’sac hurlant des larmes crues, bruv ?


Bar 3

Tale 1 — I

Les spots d’la rue Vivienne flashent leurs richesses, les yeux s’illuminent, fam. Blindés d’bécanes à gaz, les coffrets d’acajou et les montres en or balancent des gerbes d’lumière ouf à travers les vitrines. Huit heures sonnent à l’horloge d’la Bourse : c’pas tard, bruv ! À peine l’dernier coup d’marteau s’fait entendre, la rue, celle qu’j’ai nommée, s’met à trembler, secouant ses fondations d’puis la place Royale jusqu’au boulevard Montmartre, ye ken.

Les passants pressent l’pas, s’tirent pensifs dans leurs cribs. Une meuf s’évanouit, s’crashe sur l’asphalte. Personne l’relève : tout l’monde kiffe s’barrer vite d’ce coin. Les volets s’claquent à fond, les keums s’planquent sous leurs couettes. On dirait qu’la peste asiatique a pointé son nez. Pendant qu’la moitié d’la ville s’prépare à kiffer les fiestas nocturnes, la rue Vivienne s’glace d’un coup, genre pétrifiée. Comme un cœur qu’arrête d’aimer, sa vibe s’est éteinte, mate.

Mais vite, l’info d’ce délire s’répand dans l’reste d’la foule, et un silence glauque plane sur la capitale ouf. Où sont les becs d’gaz ? Les vendeuses d’amour, elles sont d’venues quoi ? Rien… l’solo et l’noir ! Une chouette, volant tout droit, une patte pété, passe au-d’ssus d’la Madeleine, fonce vers la barrière du Trône, gueulant :  
« Y’a un sale coup qui s’prépare, reckon ! »

Là, dans c’coin qu’ma plume (mon vrai pote qui ride avec moi) vient d’rendre chelou, si tu mates côté où la rue Colbert s’croise avec la rue Vivienne, tu vas zieuter, à l’angle d’ces deux voies, une silhouette d’keum s’pointer, traçant light vers les boulevards. Mais si t’approches plus, en mode ninja pour pas qu’y t’capte, tu vas kiffer un choc : c’un jeune ! De loin, t’aurais juré un keum mûr. L’nombre d’jours, ça compte plus quand tu jauges l’cerveau d’une gueule sérieuse, fam.

J’sais lire l’âge dans les lignes du front : seize piges et quatre mois ! Y’est stylé comme l’repli des griffes des rapaces ; ou genre l’flou des moves musclés dans les plaies molles du cou ; ou plutôt, comme c’piège à rats éternel, toujours retendu par l’bestiole chopée, qui claque les rongeurs solo à l’infini, même planqué sous la paille ; et ‘surtout, comme l’croisement chelou, sur une table d’dissection, d’une machine à coudre et d’un parapluie, mate !

Mervyn, ce fils d’l’Angleterre blonde, sort d’un cours d’escrime chez son prof, emmitouflé dans son tartan écossais, r’partant chez ses darons. Huit heures trente, y compte taper son crib à neuf heures : sacré culot d’faire genre y maîtrise l’futur, bruv. Un obstacle zarbi peut pas l’coincer sur sa route ? C’genre d’twist, c’si rare qu’y d’vrait l’balayer comme une exception ? Pourquoi y r’garde pas comme un délire ouf qu’y ait pu, jusqu’ici, être peace, presque kiffer ?

Quel droit y s’donne d’croire qu’y va rentrer clean chez lui, quand un keum l’guette, l’suit d’derrière, genre proie à venir ? (T’as pas pigé mon game d’écrivain à sensations si j’pose pas, au moins, ces questions tordues avant d’claquer l’phrase qu’j’vais lâcher.) T’as reconnu l’héros d’rêve qui, depuis un bail, fracasse mon pauvre cerveau avec l’poids d’sa vibe solo, reckon !

Tantôt Maldoror s’rapproche d’Mervyn, grave les traits d’ce p’tit dans son crâne ; tantôt, corps jeté en arrière, y r’cule sur lui-même, genre boomerang d’Aussie dans son deuxième arc, ou plutôt, comme une machine d’enfer. Pas sûr d’son coup. Mais sa conscience ? Zéro frisson, même pas un embryon d’émotion, comme vous pourriez l’croire à tort. J’l’ai vu s’tirer un instant dans l’aut’ sens ; remords qui l’plombait ? Nan, y r’vient sur ses pas, avec un acharnement tout neuf, mate.

Mervyn capte pas pourquoi ses artères temporales cognent fort, y presse l’pas, rongé par une flippe dont lui et toi cherchez la cause en vain. Faut lui donner props pour son taff à cracker l’énigme. Pourquoi y s’retourne pas ? Y capterait tout. On pense jamais aux moyens les plus simples d’tuer un stress, fam ?

Quand un rôdeur des barrières traverse un faubourg d’banlieue, un saladier d’vin blanc dans l’gosier, blouse en lambeaux, s’y spotte un vieux chat baraqué, pote des révoltes qu’nos darons ont matées, zieutant triste les rayons d’la lune qui tapent la plaine endormie, y s’avance en courbe cheloue, fait signe à un clebs miteux qui fonce. L’bestiole noble d’la race féline attend son ennemi avec du cran, s’bat cher pour sa peau. D’main, un chiffonnier chopera une fourrure qu’brille. Pourquoi y s’est pas barré ? C’tait si fastoche, bruv.

Mais là, Mervyn complique l’danger avec son ignorance. Y’a genre quelques éclairs, ultra rares, c’vrai, trop flous pour qu’j’m’attarde ; mais y peut pas deviner l’vrai. Y’est pas prophète, j’dis pas l’contraire, et y s’file pas c’pouvoir non plus.

Sur l’grand boulevard, y vire à droite, traverse l’boulevard Poissonnière et l’boulevard Bonne-Nouvelle. Là, y pousse dans la rue du Faubourg Saint-Denis, laisse l’gare d’Strasbourg derrière, et s’stoppe d’vant un grand portail avant d’taper l’croisement d’la rue Lafayette. Puisque vous m’dites d’couper c’premier couplet ici, j’veux bien, pour c’coup, suivre vot’ vibe, reckon.

Tu captes, quand j’pense à c’anneau d’fer planqué sous une pierre par la main d’un taré, un frisson d’ouf m’traverse les cheveux, mate ?


Bar 4

Tale 2 — II

Y tire l’bouton d’cuivre, et l’portail d’c’t’hôtel moderne pivote sur ses gonds, fam. Y trace à travers l’cour, sable fin qui crisse, et grimpe les huit marches du perron. Les deux statues, posées droite-gauche, genre gardiennes d’cette villa chicos, l’bloquent pas. L’keum qu’a tout renié — daron, daronne, Providence, love, rêves — juste pour penser à sa gueule, s’est bien gardé d’pas coller aux traces d’vant lui, bruv.

Y l’a vu rentrer dans un salon ouf au rez-d’-chaussée, boiseries d’cornaline. L’fils d’famille s’jette sur un sofa, trop secoué pour causer. Sa daronne, robe longue qui traîne, s’agite autour d’lui, l’enlace d’ses bras. Ses p’tits frangins, plus jeunes, s’rassemblent ‘round l’meuble, chargé d’un poids ; y z’ont pas assez vécu pour capter net c’qui s’passe. Enfin, l’daron lève sa canne, balance un regard blindé d’autorité sur tout l’crew, mate.

Posant l’poignet sur les accoudoirs d’son fauteuil, y s’lève d’son spot habituel, avance, flippé mais affaibli par les piges, vers l’corps figé d’son aîné. Y cause dans une langue étrangère, et tout l’monde l’écoute, respect max, en mode recueilli :  

« Qui a mis l’gamin dans c’état ? La Tamise vaseuse charriera encore un tas d’boue avant qu’mes forces s’tarissent. Y’a pas d’lois qui protègent dans c’pays glacial. S’j’connaissais l’coupable, y goûterait mon poing. J’ai raccroché des bastons d’mer, ouais, mais mon épée d’commodore, pendue au mur, rouille pas encore. La r’passer, c’fastoche. Mervyn, chill, j’vais donner des ordres à mes gars pour traquer c’keum qu’j’vais chercher, pour l’fumer d’ma main. Meuf, dégage d’là, va t’cacher dans un coin ; tes yeux m’ramollissent, ferme tes glandes à larmes. Fiston, j’t’en supplie, réveille tes sens, capte ta famille ; c’ton daron qui t’parle… »  

La daronne s’tient à l’écart, choppe un livre pour obéir au boss, tryna rester zen face au danger qui menace c’lui qu’elle a porté, ye ken.

« … P’tits, allez kiffer dans l’parc, mais gaffe, en matant les cygnes nager, d’pas tomber dans l’bassin…»  

Les frangins, mains pendantes, restent muets ; tous, avec leurs toques à plume d’engoulevent d’Caroline, futals d’ve­lours aux genoux, bas d’soie rouge, s’prennent la main, s’tirent du salon, posant juste l’bout des pieds sur l’parquet d’ébène. J’suis sûr qu’y vont pas s’éclater, qu’y vont tracer grave dans les allées d’platanes. Leur cerveau, y carbure tôt. Tant mieux pour eux, reckon.

« … Soins pour rien, j’te berce dans mes bras, t’es sourd à mes prières. Tu veux pas l’ver la tête ? J’baiserai tes genoux s’faut. Mais nan… elle r’tombe, inerte. »

— « Mon doux maître, si tu l’permets à ton esclave, j’vais choper dans ma piaule un flacon d’essence d’térébenthine, qu’j’use quand l’mal d’tête m’frappe les tempes, après l’théâtre, ou quand une histoire émouvante des vieilles annales britons d’nos ancêtres chevaliers m’fout l’cerveau dans l’brouillard. »

— « Meuf, j’t’ai pas donné l’droit d’causer, t’avais pas à l’prendre. Depuis not’ mariage legit, pas un nuage entre nous. J’suis cool avec toi, jamais eu d’clash à t’faire : et toi pareil. Va chercher c’flacon d’térébenthine dans ta commode, j’sais qu’y en a un, m’apprends rien. Speed sur l’escalier en spirale, r’viens avec une gueule happy. »

Mais la Londonienne sensible touche à peine les premières marches (elle court pas comme une keum d’la basse) qu’une d’ses demoiselles d’atour dévale d’l’étage, joues rouges d’sueur, avec l’flacon qu’contient p’têt l’jus d’vie dans ses parois d’cristal. La meuf s’incline classe en tendant son offre, et la daronne, démarche royale, s’avance vers les franges du sofa, seul truc qui capte son kiff tendre, mate.

L’commodore, d’un geste fier mais cool, prend l’flacon des mains d’sa meuf. Un foulard d’Inde s’imbibe, on enroule la tête d’Mervyn avec les plis d’la soie. Y sniffe des sels ; y bouge un bras. L’circuit r’part, et on capte les cris joyeux d’un kakatoès des Philippines, perché sur l’bord d’la fenêtre, fam.

« C’qui là ?… M’arrêtez pas… J’suis où ? Une tombe qui porte mes membres lourds ? Les planches m’semblent douces… L’médaillon avec l’portrait d’ma daronne, y’est toujours à mon cou ? Dégage, salaud à la tignasse en vrac. Y m’a pas eu, j’ai laissé un bout d’ma veste dans ses doigts. Libérez les chaînes des bouledogues, parc’qu’cette nuit, un voleur repérable peut s’faufiler chez nous en mode casse, pendant qu’on pionce. Daron, daronne, j’vous capte, merci pour l’soin. Appelez mes p’tits frangins. J’ai pris des pralines pour eux, j’veux les serrer. »

À ces mots, y tombe dans un état léthargique deep. L’médecin, appelé en speed, s’frotte les mains et gueule :  

« La crise est passée. Tout roule. D’main, vot’ fils s’lèvera frais. Allez tous dans vos pieux, j’ordonne, j’reste solo avec l’malade jusqu’à c’qu’l’aube tape et qu’l’rossignol chante. »

Maldoror, planqué derrière la porte, a pas loupé un mot. Maintenant, y connaît l’vibe des keums d’l’hôtel, et va jouer en conséquence. Y sait où crèche Mervyn, veut pas plus. Y’a noté l’nom d’la rue et l’numéro du bât’ dans son carnet. C’l’essentiel. Y’est sûr d’pas l’zapper. Y s’avance, genre hyène, sans s’faire capter, longe les bords d’la cour. Y escalade la grille avec agilité, s’coince un tic dans les pointes d’fer ; d’un bond, y’est sur l’trottoir. Y s’tire en mode loup, bruv.

« Y m’a pris pour un voyou, » y crache, « lui, c’un boloss. J’aimerais trouver un keum clean d’c’te accusation qu’l’malade m’a collée. J’lui ai pas arraché un bout d’sa veste, comme y dit. Simple délire hypnago causé par la flippe. J’voulais pas l’choper aujourd’hui, j’ai des plans plus ouf pour c’p’tit timide plus tard. »

Captez l’coin où s’trouve l’lac des cygnes ; et j’vous dirai plus tard pourquoi y’en a un tout noir dans l’crew, son corps portant une enclume, surmontée du cadavre pourri d’un crabe tourteau, qu’fout une méfiance légit à ses potes aquatiques, fam.


Bar 5

Tale 3 — III

Mervyn s’cale dans sa piaule ; y’a reçu une lettre, fam. Qui lui écrit, c’te fois ? Trop secoué pour kiffer l’facteur. L’enveloppe a des bords noirs, les mots griffonnés à l’arrache. Va-t-y l’montrer à son daron ? Et si l’keum qui l’a signée l’interdit direct, bruv ?

Plein d’angoisse, y’ouvre sa fenêtre pour capter les vibes d’l’air ; les rayons du soleil flashent des prismes ouf sur les glaces d’Venise et les rideaux d’damas. Y balance la lettre sur l’côté, parmi les bouquins à tranche dorée et les albums à couv’ d’nacre, éparpillés sur l’cuir gaufré d’son bureau d’écolier. Y soulève l’couvercle d’son piano, laisse ses doigts fins courir sur les touches d’ivoire. Les cordes d’laiton vibrent pas. C’te alerte cheloue l’pousse à r’choper l’papier vélin ; mais l’truc recule, genre vexé qu’y hésite à l’prendre, ye ken.

Piégé, la curiosité d’Mervyn s’emballe, y déplie c’bout d’chiffon prêt pour lui. Jusqu’à c’moment, y’avait vu qu’sa propre écriture.  

« P’tit keum, j’t’ai à l’œil ; j’veux t’faire kiffer. J’te prends comme pote, on va s’faire des treks de ouf dans les îles d’Océanie. Mervyn, tu captes qu’j’t’aime, pas b’soin d’te l’prouver. Tu m’fil’ras ton amitié, j’suis sûr. Quand tu m’connaîtras mieux, tu r’gretteras pas d’m’avoir fait confiance. J’te protègerai des galères qu’ton inexpérience risque. J’s’rai ton reuf, les bons conseils, ça manquera pas. Pour plus d’blabla, sois là après-d’main matin, cinq heures, pont du Carrousel. Si j’suis pas là, attends-moi ; mais j’compte être pile à l’heure. Toi, fais pareil. Un Anglais lâche pas facile une occaz d’y voir clair dans ses affaires. P’tit keum, j’te salue, à bientôt. Montre c’te lettre à personne. »

— « Trois étoiles à la place d’une signature, » Mervyn gueule, « et une tache d’sang en bas d’la page ! »

Des larmes épaisses coulent sur les phrases cheloues qu’ses yeux ont bouffées, ouvrant son esprit à un champ sans fin d’horizons flous et neufs. Y lui semble (juste depuis qu’y a lu) qu’son daron est un peu dur et sa daronne trop classe. Y’a des raisons qu’j’ai pas captées, donc j’peux pas vous les filer, pour laisser entendre qu’ses frangins l’conviennent pas non plus. Y planque c’te lettre dans son torse, mate.

Ses profs ont capté qu’ce jour-là, y’était pas lui ; ses yeux s’sont noircis à donf, un voile d’trop d’réflexion s’posant sur ses orbites. Chaque prof a rougi, flippant d’pas être au niveau d’son élève, et pourtant, pour la première fois, c’lui-là a zappé ses devoirs, a rien bossé, bruv.

L’soir, la famille s’retrouve dans la salle à manger, tapissée d’portraits antiques. Mervyn mate les plats blindés d’viandes juteuses et d’fruits qui sentent bon, mais y touche rien ; les reflets multicolores des vins du Rhin et l’rubis pétillant du champ’ s’incrustent dans les coupes fines et hautes en pierre d’Bohême, mais laissent ses yeux indifférents. Y pose son coude sur la table, paumé dans ses pensées, genre somnambule, fam.

L’commodore, gueule tannée par l’écume d’mer, s’penche à l’oreille d’sa meuf :  

« L’aîné a switch d’vibe depuis la crise ; y’était déjà trop dans des idées tarées, là, y plane encore plus. Moi, à son âge, j’vibais pas comme ça. Fais genre tu captes rien. Y’a d’quoi claquer un remède balèze, concret ou moral. Mervyn, toi qu’kiffes les récits d’voyages et d’nature, j’vais t’lire une histoire qu’va t’parler. Écoutez tous à fond ; chacun y gagnera, moi l’premier. Vous, les p’tits, captez mes mots pour pimper vot’ flow, pigé les moindres plans d’un auteur. »

Comme si c’te bande d’mômes adorables pouvait capter c’qu’est la rhétorique ! Y balance, et d’un geste d’la main, un frangin fonce à la bibli d’pops, r’vient avec un tome sous l’bras. P’tit temps, l’couvert et l’argenterie s’tirent, l’daron chope l’bouquin. Au mot « voyages » qui buzz, Mervyn relève la tête, tryna lâcher ses délires hors sujet. L’bouquin s’ouvre au milieu, et la voix d’acier du commodore prouve qu’y peut encore dompter la rage des keums et des tempêtes, comme dans ses jours d’gloire, mate.

Bien avant la fin d’la lecture, Mervyn r’tombe sur son coude, incapable d’suivre plus l’baratin bien rangé des phrases polies et l’polish forcé des métaphores. L’daron gueule :  

« C’pas ça qu’le branche ; lisons aut’ chose. Lis, meuf ; t’auras plus d’bol qu’moi pour virer l’blues d’not’ fils. »

La daronne n’a plus d’espoir ; pourtant, elle s’jette sur un autre livre, et l’timbre d’sa voix d’soprano sonne doux aux oreilles d’celui qu’elle a porté. Mais après quelques mots, l’découragement l’prend, et elle stoppe d’elle-même l’lecture d’l’œuvre. L’aîné s’crie :  

« J’vais m’coucher. »

Y s’tire, yeux baissés, fixes et froids, sans rien ajouter. L’chien s’met à hurler un aboiement glauque, parc’qu’il trouve pas c’te vibe naturelle, et l’vent d’dehors, s’engouffrant en zigzag dans l’fissure d’la fenêtre, fait trembler l’flamme, rabattue par deux coupoles d’cristal rose, d’la lampe d’bronze. La daronne pose ses mains sur son front, l’daron lève les yeux au ciel. Les p’tits jettent des regards flippés sur l’vieux marin, reckon.

Mervyn verrouille sa piaule à double tour, sa main vole sur l’papier :  

« J’ai chopé ta lettre à midi, pardonne si j’t’ai fait poireauter pour r’pondre. J’t’ai pas l’honneur d’connaître en vrai, j’savais pas si j’d’vais t’écrire. Mais l’impolitesse, c’pas l’style d’la maison, alors j’ai pris l’stylo, props max pour l’intérêt qu’tu portes à un inconnu. Qu’Dieu m’garde d’pas montrer d’reco pour l’kiff qu’tu m’files. J’connais mes failles, j’m’en vante pas. Mais, si c’cool d’prendre l’amitié d’un keum plus vieux, c’aussi d’lui faire capter qu’nos vibes matchent pas. T’as l’air plus âgé, m’appelant p’tit keum, mais j’doute d’ton vrai âge. Comment mixer l’froid d’tes raisonnements avec l’feu qu’en sort ? J’quitterai pas l’coin où j’suis né pour t’suivre dans des terres loin, ça s’rait jouable qu’en d’mandant d’abord l’feu vert d’mes darons, long à attendre. Mais vu qu’tu m’dis d’garder l’secret (genre cube d’ombre) sur c’te affaire glauque, j’vais m’presser d’obéir à ta sagesse béton. On dirait qu’elle kiffe pas l’clair d’la lumière. Puisque t’as l’air d’vouloir qu’j’te fasse confiance (vœu pas chelou, j’kiffe l’dire), sois cool, steup, rends-moi l’même vibe, et pense pas qu’j’s’rai si loin d’ton avis qu’après-d’main, à l’heure dite, j’s’rai pas à l’heure au rencard. J’vais escalader l’mur du parc, la grille s’ra fermée, personne captera mon départ. À parler franc, qu’est-c’que j’f’rai pas pour toi, toi dont l’attache zarbi s’est vite montrée à mes yeux éblouis, ‘surtout choqués par c’te preuve d’bonté qu’j’m’attendais pas à capter. J’te connaissais pas. Là, j’te capte. Zappe pas ta promesse d’te balader pont du Carrousel. Si j’y passe, j’suis sûr à mort d’t’y croiser, d’t’checker la main, tant qu’ce move clean d’un p’tit qui, hier, s’inclinait d’vant l’autel d’la pudeur, t’vexe pas par son respect cool. La coolitude, c’pas légit dans une intimité chaude et grave, quand l’crash est sérieux ? Et quel mal, j’te l’demande, à t’dire adieu en passant, quand après-d’main, pluie ou pas, cinq heures sonneront ? Toi-même, gentleman, tu capteras l’tact qu’j’ai mis dans ma lettre ; parc’que j’m’permets pas, sur une feuille qui peut s’perdre, d’t’en dire plus. Ton adresse en bas, c’un rébus. M’a fallu quasi un quart d’heure pour l’piger. T’as bien fait d’la tracer en mode micro. J’passe sur la signature, j’te copie : on vit dans un temps trop chelou pour s’choquer d’c’qui peut d’barquer. J’s’rai curieux d’savoir comment t’as su où crèche mon immobilité glacée, cernée d’une longue rangée d’salles vides, charniers crades d’mes heures d’ennui. Comment l’dire ? Quand j’pense à toi, mon torse s’secoue, ça r’sonne comme l’écroulement d’un empire en ruine ; parc’que l’ombre d’ton love tease un sourire qu’existe p’têt pas : elle est si floue, et remue ses écailles si tordu ! Entre tes mains, j’lâche mes vibes enflammées, tables d’mabre toutes neuves, encore clean d’un contact mortel. Soyons patients jusqu’aux premières lueurs du mat’, et, dans l’attente d’ce moment qui m’jettera dans l’tissu dégueu d’tes bras pestiférés, j’m’incline humble à tes genoux, qu’j’serre, fam. »

Après avoir griffonné c’te lettre coupable, Mervyn l’porte à la poste et r’vient s’coucher. Comptez pas sur son ange gardien pour l’checker. La queue d’poisson volera qu’trois jours, c’vrai ; mais putain, l’poutre s’ra cramée quand même ; et une balle cylindro-conique trouera l’cuir du rhino, malgré la meuf d’neige et l’mendiant ! Parc’que l’fou couronné aura lâché l’vrai sur l’fidélité des quatorze lames, bruv.


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Tale 4 — IV

Yo, j’capte qu’j’ai qu’un œil, pile au milieu du front, fam ! Les miroirs d’argent, incrustés dans les panneaux des vestibules, combien d’fois y m’ont sauvé avec leur vibe réfléchissante, bruv ? Depuis l’jour où un chat angora m’a bouffé l’bosse pariétale pdt une heure, genre perceuse qui troue l’crâne, en s’jetant d’un coup sur mon dos, parc’que j’avais fait bouillir ses p’tits dans une cuve pleine d’alcool, j’ai pas arrêté d’m’envoyer des flèches d’tourments, ye ken.

Aujourd’hui, sous l’choc des blessures qu’mon corps a pris dans tout un tas d’délires, soit par l’fatalité d’ma naissance, soit par mes propres conneries ; plombé par l’poids d’ma chute morale (y’en a qu’ont été faites ; qui d’vinera l’reste ?) ; matant, sans broncher, les monstruosités, nées ou chopées, qui pimpent mes aponévroses et mon cerveau, j’lance un long regard d’kiff sur l’dualité qui m’forme… et j’me trouve stylé, mate !

Stylé comme l’vice d’naissance des organes sexuels d’un keum, avec un canal d’pipi trop court, fendu ou carrément sans paroi basse, genre ça s’ouvre n’importe où sous l’gland ; ou genre la caroncule charnue, conique, ridée d’travers, qu’pousse à la base du bec d’un dindon ; ou plutôt, comme c’te vérité :  

« L’système des gammes, des modes et d’leurs liens harmoniques r’pose pas sur des lois naturelles béton, mais c’la conséquence d’principes esthétiques qu’ont bougé avec l’grind progressif d’l’humanité, et qui bougeront encore ; »  

et ‘surtout, comme une corvette blindée à tourelles, fam !

Ouais, j’tiens qu’mon délire est carré. J’ai pas d’illusions vantardes, j’m’en fais pas un film, et l’mensonge m’rapporte que dalle ; donc, c’que j’ai lâché, t’as pas d’raison d’le douter. P’tain, pourquoi j’me foutrais l’flippe tout seul face aux props qu’ma conscience m’balance, reckon ?

J’envie rien au Créateur ; mais qu’y m’laisse glisser sur l’fleuve d’ma destinée, à travers une série d’crimes glorieux qui s’entassent. Sinon, en l’vant un regard vénère à sa hauteur, j’lui f’rai capter qu’y’est pas l’seul boss d’l’univers ; qu’plein d’trucs, liés direct à une connaissance plus deep d’la nature, backent l’idée contraire, et claquent un « non » carré à l’idée qu’une seule puissance peut tout tenir, bruv.

C’parc’qu’on est deux à s’mater les cils des paupières, tu captes… et tu sais qu’plus d’une fois, ma bouche sans lèvres a fait sonner l’clairon d’la victoire. Adieu, guerrier ouf ; ton cran dans l’malheur force l’respect d’ton pire ennemi ; mais Maldoror va t’retrouver vite pour t’chiper la proie qu’on appelle Mervyn, mate.

Comme ça, l’prophétie du coq s’ra real, quand y’a vu l’futur au fond du chandelier. Si l’ciel veut qu’l’crabe tourteau chope à temps l’caravane des pèlerins, et leur balance en quelques mots l’histoire du chiffonnier d’Clignancourt, fam !


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Tale 5 — V

Sur un banc du Palais-Royal, côté gauche, pas loin du bassin, un keum, d’barquant d’la rue d’Rivoli, vient s’poser, fam. Cheveux en vrac, sapes bouffées par l’grind d’la misère longue. Y creuse un trou dans l’sol avec un bout d’bois pointu, ramasse d’la terre dans l’creux d’sa main. Y porte c’te bouffe à sa bouche, l’rejette direct, à l’arrache, bruv.

Y s’lève, colle sa tête contre l’banc, jambes pointant l’ciel. Mais c’te pose de funambule, c’contre les lois d’la gravité qui tiennent l’équilibre, alors y r’tombe lourd sur la planche, bras pendants, casquette masquant half sa gueule, guibolles tapant l’gravier dans un balancement chelou, d’moins en moins safe. Y reste planté là un bail, ye ken.

Vers l’entrée nord, près d’la rotonde avec l’salon d’café, l’bras d’not’ boss s’appuie sur la grille. Ses yeux scannent tout l’rectangle, loupant aucun angle. Après l’tour, ses peepers r’viennent, et y capte, milieu du jardin, un keum qui fait des acrobaties bancales sur un banc, s’tuant à s’tenir droit, claquant des miracles d’force et d’adresse. Mais qu’est-c’que l’meilleure vibe peut faire pour une cause clean face aux délires d’un cerveau pété, reckon ?

Y s’avance vers l’fou, l’aide, tout cool, à r’mettre sa dignité en place, lui tend la main, s’assoit à côté. Y capte qu’la folie va et vient ; l’crise s’est barrée ; l’keum r’pond carré à toutes les questions. Faut-y r’balancer l’sens d’ses mots ? Pourquoi r’ouvrir, n’importe où, avec un zèle sacrilège, l’livre des galères humaines ? Rien apprend plus, mate.

Même si j’avais que dalle d’vrai à vous faire capter, j’inventerais des récits d’rêve pour les vider dans vos crânes. Mais l’malade l’est pas d’venu pour s’marrer ; et l’vrai d’ses histoires s’cale nickel avec l’confiance du lecteur, fam.

« Mon daron était charpentier rue d’la Verrerie… Qu’la mort des trois Marguerite lui tombe d’ssus, et qu’l’bec du canari lui ronge l’œil à jamais ! Y s’piquait à l’alcool ; dans ces moments, quand y r’venait au crib après avoir écumé les comptoirs des bistrots, sa rage tapait l’infinie, y frappait tout c’qui s’montrait. Mais vite, sous l’clash d’ses potes, y s’est rangé, d’venu tout taciturne. Personne pouvait l’approcher, même pas ma daronne. Y gardait un sale ressentiment contre l’devoir qui l’bloquait d’faire c’qu’y voulait. J’avais chopé un s’rin pour mes trois sœurs ; c’était pour elles, c’s’rin. Y l’avaient mis en cage, au-d’ssus d’la porte, et les passants s’arrêtaient à chaque fois, kiffant ses chants, matant sa grâce fugace, étudiant ses formes stylées. Plus d’une fois, mon daron a ordonné d’virer la cage et l’oiseau, s’figurant qu’l’s’rin s’foutait d’lui avec ses cavatines aériennes. Y’est allé décrocher l’cage, a glissé d’la chaise, aveuglé par l’vnr. Une p’tite éraflure au genou, son trophée. Après avoir pressé l’gonflement avec un copeau, y’a r’baissé son froc, sourcils froncés, mieux calculé, chopé l’cage sous l’bras, et filé au fond d’son atelier. Là, malgré les cris et supplications d’la famille (on tenait grave à c’oiseau, genre l’âme du crib), y’a écrasé la boîte d’osier avec ses talons ferrés, pendant qu’une varlope tournait autour d’sa tête, tenant l’crew à distance. L’hasard a fait qu’l’s’rin a pas clamsé direct ; c’flocon d’plumes vivait encore, même maculé d’sang. L’charpentier s’est tiré, a claqué l’porte. Ma daronne et moi, on s’est démenés pour garder l’vie d’l’oiseau, prête à s’barrer ; y touchait l’fond, ses ailes bougaient plus qu’comme l’miroir d’la dernière convulsion d’agonie. Pendant c’temps, les trois Marguerite, quand y z’ont capté qu’tout espoir s’cassait, s’sont pris la main, d’accord, et l’chaîne vivante s’est accroupie, après avoir poussé un baril d’graisse à quelques pas, derrière l’escalier, près du chenil d’not’ chienne. Ma daronne lâchait pas, tenant l’s’rin entre ses doigts pour l’réchauffer d’son souffle. Moi, j’courais partout, paumé, m’cognant aux meubles, aux outils. D’temps à aut’, une d’mes sœurs montrait sa tête au bas d’l’escalier pour checker l’sort d’l’oiseau, l’tirait avec tristesse. La chienne s’était barrée d’son chenil, et, comme si elle captait not’ perte, elle léchait, langue d’consolation stérile, la robe des trois Marguerite. L’s’rin avait plus qu’quelques instants. Une d’mes sœurs, à son tour (l’plus p’tite), a pointé sa tête dans l’pénombre qu’la lumière rare formait. Elle a vu ma daronne pâlir, et l’oiseau, après avoir, l’temps d’un éclair, r’levé l’cou, par l’dernier sursaut d’son système nerveux, r’tomber entre ses doigts, mort pour d’bon. Elle a annoncé l’truc à ses sœurs. Pas un bruit d’plainte, d’murmure. L’silence régnait dans l’atelier. On captait qu’l’craquement saccadé des bouts d’la cage, par l’élasticité du bois, r’prenant à moitié leur forme d’base. Les trois Marguerite laissaient couler zéro larme, leur gueule perdait pas sa fraîcheur rouge ; nan… juste immobiles. Elles s’sont traînées dans l’chenil, s’sont étendues sur l’paille, l’une à côté d’l’autre ; pendant qu’la chienne, matant leur move sans rien faire, les r’gardait, choquée. Ma daronne les a appelées plein d’fois ; pas d’réponse. Crevées par l’choc d’avant, elles pionçaient, p’têt ! Elle a fouillé tous les coins d’la baraque, rien. La chienne l’a tirée par l’robe vers l’chenil. C’te meuf s’est baissée, a collé sa tête à l’entrée. L’spectacle qu’elle a maté, même sans l’délire flippé d’une daronne, pouvait qu’être déchirant, d’après mes calculs. J’ai allumé une chandelle, l’lui ai filée ; comme ça, aucun détail lui a échappé. Elle a r’tiré sa tête, pleine d’brins d’paille, d’c’te tombe trop tôt, et m’a dit :  

« Les trois Marguerite sont mortes. »

Comme on pouvait pas l’sortir d’là, capte bien, elles étaient ultra entrelacées, j’suis allé choper un marteau dans l’atelier pour péter l’chenil. J’me suis mis direct à l’démolition, et les passants ont pu penser, s’y z’avaient d’l’imaginaire, qu’l’taff tournait à fond chez nous. Ma daronne, vénère des retards, pourtant nécéssaires, s’pétait les ongles sur les planches. Enfin, l’opération d’libération foireuse s’est finie ; l’chenil fendu s’est ouvert d’tous les côtés ; et on a r’tiré, des débris, l’une après l’autre, après les avoir séparées à l’arrache, les filles du charpentier. Ma daronne a quitté l’coin. J’ai plus r’vu mon daron. Moi, on dit qu’j’suis fou, et j’demande l’aumône. C’que j’sais, c’que l’s’rin chante plus, fam. »

L’auditeur valide dans son bide c’nouvel exemple qui backe ses théories crades. Comme si, à cause d’un keum bourré jadis, on pouvait clasher toute l’humanité. C’au moins l’délire paradoxal qu’y veut s’foutre en tête ; mais ça peut pas virer les leçons ouf d’cette expérience grave, reckon.

Y console l’fou avec une fausse douceur, essuie ses larmes avec son propre mouchoir. Y l’emmène dans un resto, y bouffent à la même table. Y vont chez un tailleur d’la haute, et l’protégé s’fringué comme un prince. Y frappent chez l’concierge d’une grosse baraque rue Saint-Honoré, et l’fou s’installe dans un appart chicos au troisième. L’bandit l’force à prendre sa thune, et, chopant l’pot d’chambre sous l’lit, l’fout sur l’dome d’Aghone.  

« J’te couronne roi des cerveaux, » y gueule, avec un flow calculé à mort ; « à ton moindre appel, j’débarque ; pioche à fond dans mes coffres ; corps et âme, j’t’appartiens. La nuit, tu r’mettras l’couronne d’albâtre à sa place, t’as l’droit d’t’en servir ; mais l’jour, dès qu’l’aube éclaire les villes, r’pose-la sur ton front, comme l’signe d’ta puissance. Les trois Marguerite r’vivront en moi, sans compter qu’j’s’rai ta daronne. »

Là, l’fou recule de quelques pas, genre piégé dans un cauchemar vexant ; les traits d’bonheur s’dessinent sur sa gueule ridée par l’chagrin ; y s’met à genoux, plein d’humiliation, aux pieds d’son protecteur. La reco s’est glissée, poison-style, dans l’cœur du fou couronné ! Y veut causer, sa langue bloque. Y penche son corps en avant, et r’tombe sur l’carrelage, fam.

L’keum aux lèvres d’bronze s’tire. C’tait quoi, son plan ? Choper un pote à l’épreuve, assez naïf pour sauter à chaque ordre. Y pouvait pas mieux tomber, l’hasard l’a gâté. C’lui qu’y a trouvé, crashé sur l’banc, capte plus, depuis un truc d’sa jeunesse, l’bien du mal. C’Aghone qu’y lui faut, bruv.


Bar 8

Tale 6 — VI

L’Tout-Puissant a balancé un d’ses archanges sur c’te terre pour tirer l’p’tit d’une mort sûre, fam. Y va d’voir d’barquer lui-même ! Mais on n’est pas encore à c’te partie d’not’ récit, et j’dois fermer ma gueule, parc’que j’peux pas tout lâcher d’un coup : chaque move qui claque va s’pointer à sa place, quand l’trame d’cette fiction y verra pas d’lézard, bruv.

Pour pas s’faire capter, l’archange a switché en crabe tourteau, gros comme un vigogne. Y s’tenait sur l’bout d’un récif, en plein milieu d’la mer, attendant l’moment cool d’la marée pour taper l’rivage. L’keum aux lèvres d’jaspe, planqué derrière un pli d’la plage, matait l’bestiau, un bâton en main. Qui kifferait lire dans l’cerveau d’ces deux-là, ye ken ?

L’premier s’cachait pas qu’sa mission était hardcore :  
« Et comment j’vais gérer, » y gueule, pendant qu’les vagues cognent son spot temp’, « là où mon boss a vu sa force et son cran s’crasher plus d’une fois ? Moi, j’suis qu’un bout d’matière limité, alors qu’l’autre, personne capte d’où y sort ni c’qu’est son but final. À son blaze, les armées d’ciel flippent ; et là-haut, d’où j’viens, y’en a qu’disent qu’même Satan, l’mal en personne, est moins flippant. »

L’deuxième cogitait ça ; ses vibes trouvaient un écho, jusqu’à salir l’dôme bleu d’ciel :  
« Y’a l’air d’un rookie ; j’vais l’régler vite fait. Y d’barque sûr d’en haut, envoyé par c’lui qui s’chie trop d’v’nir lui-même ! On verra, au taff, s’y’est aussi boss qu’y en a l’air ; c’pas un keum d’la prune terrestre ; ses yeux paumés, hésitants, crachent son origine d’ange. »

L’crabe tourteau, qui matait un bout d’côte d’puis un bail, capte not’ boss (l’keum s’lève, full taille herculéenne), et l’tape avec c’te tirade :  
« Tente pas l’clash, rends-toi. J’suis envoyé par un qu’est au-d’ssus d’nous deux, pour t’mettre des chaînes, bloquer les deux bras d’ta pensée d’bouger. Serrer des couteaux, des poignards entre tes doigts, faut qu’ça t’soit interdit, crois-moi ; autant pour ton bien qu’pour les autres. Mort ou vif, j’t’aurai ; j’ai l’ordre d’t’ramener vivant. M’force pas à user l’pouvoir qu’on m’a prêté. J’vais jouer soft ; toi, m’oppose pas d’résistance. C’comme ça qu’j’cap’rai, avec kiff et joie, qu’t’as fait un premier pas vers l’repentir. »

Quand not’ boss capte c’te harangue, blindée d’un sel ultra comique, y galère à garder son sérieux sur sa gueule bronzée et rude. Mais, pas d’surprise si j’dis qu’y finit par craquer et s’marre. C’tait plus fort qu’lui ! Y mettait pas d’mauvaise vibe ! Y voulait pas s’tirer les reproches du crabe tourteau ! Combien d’fois y s’est pas pincé les lèvres pour virer l’fou rire, éviter d’vexer son keum tout pété d’stupeur ! Malheur, son caractère, c’t’un bout d’humanité, y s’marre comme un mouton ! Enfin, y s’calme ! Y d’vait ! Y faillit s’étouffer, fam !

L’vent porte c’te réponse à l’archange sur l’récif :  
« Quand ton boss arrêtera d’m’envoyer des escargots et des écrevisses pour gérer ses galères, et qu’y s’pointera lui-même pour causer avec moi, on trouvera, j’suis sûr, un moyen d’s’arranger, vu qu’j’suis en d’ssous d’c’lui qu’t’a envoyé, comme t’as dit si carré. Jusque-là, parler paix, c’trop tôt, ça va juste pondre un résultat bidon. J’dis pas qu’j’capte pas l’bon sens d’tes mots ; mais vu qu’on pourrait s’user l’gosier à gueuler sur trois bornes, j’trouve qu’tu s’rais malin d’descendre d’ta forteresse imprenable, nager jusqu’à l’terre ferme : on causera plus cool les termes d’une reddition qui, même si elle est legit, m’plaît pas d’vue, mate. »

L’archange, qu’attendait pas c’te bonne volonté, sort sa tête d’un cran d’la crevasse, et répond :  
« Ô Maldoror, l’jour où tes instincts dégueu verront s’éteindre l’flambeau d’un orgueil injuste qui les drive à l’damnation éternelle, c’est enfin là ! C’moi, l’premier, qui vais chanter c’te flippe aux légions d’chérubins, kiffant r’trouver un d’leur. T’sais, t’as pas zappé, y’avait un temps où t’étais l’premier d’nous. Ton blaze volait d’bouche en bouche ; t’es l’sujet d’nos causeries solo. Viens… viens faire une paix béton avec ton vieux boss ; y t’prendra comme un fils paumé, aveugle à l’énorme tas d’culpabilité qu’t’as, genre montagne d’cornes d’élan montée par les Indiens, empilé sur ton cœur. »

Y balance, et sort tout son corps du fond d’l’ouverture sombre. Y s’pointe, rayonnant, sur l’récif ; genre prêtre d’la foi sûr d’ram’ner une brebis perdue. Y s’prépare à sauter à l’eau, nager vers l’pardonné. Mais l’keum aux lèvres d’saphir a calculé un coup tordu d’puis un bail. Son bâton part fort ; après plein d’ricochets sur les vagues, y va claquer l’dome d’l’archange bienfaiteur. L’crabe, touché à mort, tombe dans l’flotte. La marée ramène l’épave flottante sur l’rivage, fam.

Y attendait l’marée pour descendre plus easy. Ben, l’marée est v’nue ; elle l’a bercé d’ses chants, l’a posé mollo sur l’plage : l’crabe, y kiffe pas ? Y veut quoi d’plus ? Et Maldoror, penché sur l’sable d’la grève, chope dans ses bras deux potes, liés à mort par l’hasard des vagues : l’cadavre du crabe tourteau et l’bâton qu’a tué, bruv !

« J’ai pas perdu mon skill, » y gueule ; « ça d’mande qu’à s’faire ; mon bras garde son jus, mon œil son aim. »

Y mate l’bestiau clamsé. Y flippe qu’on lui d’mande des comptes pour l’sang versé. Où y va planquer l’archange ? Et en même temps, y s’demande si l’mort a tapé direct. Y m’fout une enclume et un cadavre sur l’dos ; y trace vers un gros bassin, dont les rives sont blindées, genre murées, par un bordel d’grands joncs.

Y voulait d’abord un marteau, mais c’trop léger, alors qu’avec un truc plus lourd, si l’cadavre donne signe d’vie, y l’posera par terre et l’réduira en poussière à coups d’enclume. C’pas l’force qui manque à son bras, steup ; c’l’moindre d’ses galères. En vue du lac, y capte un squad d’cygnes. Y s’dit qu’c’est une planque safe ; avec un switch d’forme, sans lâcher son chargement, y s’mêle aux autres oiseaux.

Matez l’main d’la Providence là où on pensait qu’elle était absente, et kiffez l’miracle qu’j’vais vous balancer. Noir comme l’aile d’un corbeau, trois fois y’a nagé parmi l’groupe d’palmipèdes, blanc éclatant ; trois fois, y’a gardé c’te couleur qui l’faisait r’ssembler à un bloc d’charbon. Parc’que Dieu, dans sa justice, a pas permis qu’son plan foireux trompe même un crew d’cygnes, reckon.

Du coup, y restait bien visible au milieu du lac ; mais tous l’z’ont esquivé, aucun oiseau s’est approché d’son plumage honteux pour lui t’nir compagnie. Alors, y’a limité ses plongeons à une baie paumée, à l’bout du bassin, solo parmi les keums du ciel, comme y l’était parmi les keums d’la terre ! C’comme ça qu’y préparait l’délire ouf d’la place Vendôme, fam !


Bar 9

Tale 7 — VII

L’corsaire aux locks dorés a chopé la réponse d’Mervyn, fam. Sur c’te page cheloue, y suit les traces des délires cérébraux d’celui qu’a écrit, laissé à ses propres vibes faibles. L’keum aurait carrément mieux fait d’causer à ses darons avant d’répondre à l’amitié d’ce mec inconnu. Y’aura pas d’bénéfice pour lui à s’mêler, en mode acteur star, à c’te intrigue tordue. Mais bon, y l’a voulu, bruv.

À l’heure tapée, Mervyn sort d’sa baraque, trace tout droit par l’boulevard Sébastopol, jusqu’à la fontaine Saint-Michel. Y prend l’quai des Grands-Augustins, passe l’quai Conti ; en zonant sur l’quai Malaquais, y capte un keum sur l’quai du Louvre, marchant parallèle à sa vibe, un sac sous l’bras, l’matant à fond. Les brumes du mat’ se sont barrées. Les deux keums déboulent en même temps d’chaque côté du pont du Carrousel, ye ken.

Même sans s’être jamais vus, y s’sont captés direct ! Vrai, c’tait touchant d’voir ces deux-là, séparés par les piges, lier leurs âmes avec des vibes ouf. Au moins, c’tait l’vibe des keums qui s’seraient arrêtés d’vant c’spectacle, qu’plus d’un, même avec un cerveau math, aurait trouvé émouvant. Mervyn, la gueule en pleurs, cogitait qu’y croisait, genre à l’entrée d’la vie, un soutien balèze pour les galères à v’nir. Soyez sûrs qu’l’autre causait pas, mate.

V’là c’qu’y fait : y déplie l’sac qu’y porte, ouvre l’trou, et, chopant l’p’tit par l’dome, y fait passer tout l’corps dans l’enveloppe d’toile. Y noue l’bout qui sert d’entrée avec son mouchoir. Comme Mervyn gueule des cris aigus, y soulève l’sac, genre paquet d’linge, et l’cogne, plusieurs fois, contre l’parapet du pont. Là, l’keum, captant l’craquement d’ses os, s’tait, reckon.

Scène unique, qu’aucun romancier r’trouvera ! Un boucher passe, posé sur l’viande d’sa charrette. Un keum court vers lui, l’stoppe, et balance :  
« Y’a un clébard dans c’sac ; y’a la gale : butez-le vite fait. »

L’keum interpellé s’la joue cool. L’autre, en s’tirant, capte une jeune meuf en haillons qui tend la main. Jusqu’où va l’culot et l’sacrilège ? Y lui file une pièce, fam !

Dites si vous voulez qu’j’vous ramène, quelques heures plus tard, à l’porte d’un abattoir paumé. L’boucher est d’retour, balance son fardeau par terre, dit à ses potes :  
« Grouillez, faut niquer c’clébard galeux. »

Y sont quatre, chacun chope son marteau habituel. Mais y z’hésitent, parc’que l’sac bouge à donf.  

« C’quoi c’te flippe qui m’prend ? » gueule l’un, baissant l’bras mollo.  

« C’clébard chiale comme un môme, » dit un autre ; « on dirait qu’y capte c’qui l’attend. »

« C’leur délire, » répond l’troisième ; « même quand y z’ont rien, comme là, suffit qu’leur maître s’absente quelques jours pour qu’y s’mettent à hurler, un truc chiant à supporter. »

« Stop !… Stop !… » crie l’quatrième, avant qu’tous les bras s’lèvent en cadence pour cogner fort, c’coup-ci, sur l’sac. « Stop, j’vous dis ; y’a un truc qu’on capte pas. Qui dit qu’c’te toile cache un clébard ? J’veux vérifier. »

Alors, malgré les vannes d’ses potes, y dénoue l’paquet, et sort, un par un, les membres d’Mervyn ! L’keum était quasi étouffé par c’te pose serrée. Y s’évanouit en r’voyant l’jour. Quelques instants après, y donne des signes clairs d’vie. L’sauveur balance :  
« Apprenez, une aut’ fois, à m’foutre d’la prudence dans vot’ taff. Vous z’avez failli capter, par vous-mêmes, qu’ça sert à rien d’ignorer c’te règle. »

Les bouchers s’tirent. Mervyn, l’cœur serré, plein d’pressentiments glauques, r’ntre chez lui, s’enferme dans sa piaule. Faut-y qu’j’insiste sur c’te strophe ? Eh ! Qui n’va pas pleurer c’te merde bouclée ! Attendons l’final pour lâcher un jugement encore plus dur, mate.

L’dénouement va s’crasher vite ; et dans c’genre d’récits, où une passion, peu importe laquelle, une fois allumée, craint aucun mur pour s’frayer un chemin, pas d’raison d’étirer d’la laque sur quatre cents pages nazes. C’qui peut s’dire en une demi-douzaine d’strophes, faut l’dire, et pis s’taire, fam.


Bar 10

Tale 8 — VIII

Pour crafter d’façon méca l’cerveau d’un conte qui t’fais pioncer, c’pas assez d’découper des conneries et d’abrutir à fond l’lecteur avec des doses répétées, jusqu’à c’que ses neurones s’paralysent à vie par la loi béton d’la fatigue, fam. Faut aussi, avec du jus magnétique balèze, l’coincer d’façon somnambule, l’forcer à brouiller ses yeux contre sa vibe nat’ sous l’fixité des tiens, bruv.

J’veux dire, pas pour m’faire mieux capter, mais juste pour dérouler ma pensée qu’te choppe et t’vénère en même temps avec une harmonie ultra pénétrante, qu’j’pense pas qu’y faut, pour taper l’but qu’on s’fixe, inventer une poésie carrément hors des rails d’la nature, dont l’souffle dégueu s’met à tout niquer, même les vérités absolues. Mais sortir un truc pareil (qui colle, si t’y penses bien, aux règles d’l’esthétique), c’pas aussi fastoche qu’on croit : v’là c’que j’voulais dire. C’pour ça qu’j’vais tout donner pour y arriver, ye ken !

Si l’mort chope les bras maigres et chelous d’mes épaules, occupés à pétrir l’gypse glauque d’mes mots, j’veux qu’au moins l’lecteur en deuil s’dise :  
« Faut lui rendre props. Y m’a grave crétinisé. Qu’est-c’qu’y aurait pas fait s’y vivait plus ! L’meilleur prof d’hypnotisme qu’j’connais ! »  

On gravera ces quelques mots touchants sur l’marbre d’ma tombe, et mes ombres s’ront peace ! — J’continue, mate !

Y’avait une queue d’poisson qui s’agitait au fond d’un trou, à côté d’une botte éclatée. C’tait pas naturel d’s’mander :  
« Où’ss’trouve l’poisson ? J’vois qu’la queue qui bouge. »  

Parc’que, si t’avouais qu’tu voyais pas l’poisson, c’qu’y était pas là, point. La pluie avait laissé quelques gouttes d’flotte au fond d’ce trou creusé dans l’sable. La botte pétée, certains ont pensé après qu’c’tait un abandon volontaire, reckon.

L’crabe tourteau, par l’pouvoir divin, d’vait r’naître d’ses atomes éclatés. Y sort la queue d’poisson du puits, lui promet d’la r’coller à son corps perdu si elle balance au Créateur l’impuissance d’son gars à dompter les vagues vénères d’la mer maldororienne. Y lui prête deux ailes d’albatros, et l’queue d’poisson s’envole. Mais elle file chez l’renégat, pour tout déballer et trahir l’crabe tourteau, fam.

L’crabe capte l’plan d’l’espion, et, avant qu’le troisième jour s’finisse, y perce l’queue du poisson d’une flèche empoisonnée. L’gosier d’l’espion lâche un p’tit cri, rend son dernier souffle avant d’toucher l’sol, bruv.

Là, une poutre centenaire, posée sur l’toit d’un château, s’dresse d’toute sa hauteur, bondissant sur elle-même, et gueule vengeance à fond. Mais l’Tout-Puissant, switché en rhinocéros, lui dit qu’c’te mort était méritée. La poutre s’calme, r’descend au fond du manoir, r’prend sa pose à plat, et r’pelle les araignées flippées pour qu’elles r’tissent leurs toiles dans ses coins, comme avant, mate.

L’keum aux lèvres d’soufre apprend l’faiblesse d’son alliée ; du coup, y ordonne au fou couronné d’brûler l’poutre, d’la r’duire en cendres. Aghone exécute c’te consigne hardcore.  
« Puisque, d’après toi, l’moment est là, » y gueule, « j’suis allé r’prendre l’anneau qu’j’avais planqué sous l’pierre, j’l’ai attaché à un bout du câble. V’là l’paquet. »

Et y présente une corde épaisse, enroulée sur elle-même, soixante mètres d’long. Son boss lui d’mande c’que font les quatorze poignards. Y répond qu’y restent fidèles, prêts à tout, si faut. L’forçat baisse l’dome, signe d’kiff, fam.

Y montre d’la surprise, même d’l’inquiétude, quand Aghone ajoute qu’y a vu un coq fendre un chandelier en deux avec son bec, plonger l’regard dans chaque moitié, et hurler, battant des ailes en mode taré :  
« C’pas si loin qu’on croit d’la rue d’la Paix à la place du Panthéon. Bientôt, on verra l’preuve glauque»

L’crabe tourteau, sur un canasson déchaîné, galope à fond vers l’récif, l’spot où un bras tatoué a lancé l’bâton, l’asile d’son premier jour sur terre. Une caravane d’pèlerins trace pour visiter c’coin, sacré maint’nant par une mort ouf. Y’espère les choper, d’mander des renforts urgents contre l’complot qu’y sent v’nir, reckon.

Vous cap’trez, quelques lignes plus bas, avec mon silence glacial, qu’y s’est pointé trop tard pour leur balancer c’qu’un chiffonnier, planqué derrière l’échafaudage d’une baraque en chantier, a capté l’jour où l’pont du Carrousel, encore mouillé d’la rosée d’la nuit, a flippé en voyant l’horizon d’sa pensée s’élargir en cercles chelous, à l’vibe matinale du pétrissage rythmé d’un sac icosaèdre contre son parapet calcaire ! Avant qu’y titille leur pitié avec l’flash d’c’te scène, y f’raient mieux d’niquer l’graine d’espoir en eux, bruv…

Pour secouer vot’ flemme, usez vos vibes d’bonne volonté, marchez à mes côtés, perdez pas d’vue c’fou, l’dome couronné d’un pot d’chambre, qui pousse, d’vant lui, un bâton armé, l’keum qu’vous galéreriez à capter si j’vous briefais pas, en r’mettant l’mot « Mervyn » dans vos oreilles. Putain, c’qu’y’est changé ! Mains attachées dans l’dos, y trace comme vers l’échafaud, alors qu’y a commis aucun crime, mate.

Y z’arrivent dans l’cercle d’la place Vendôme. Sur l’ rebord d’la colonne massive, collé à la rambarde carrée, à plus d’cinquante mètres du sol, un keum balance et déroule un câble, qui tombe jusqu’à terre, à deux pas d’Aghone. Avec l’habitude, on fait vite ; mais j’peux dire qu’c’lui-là a pas traîné pour attacher les pieds d’Mervyn à l’bout d’la corde.

L’rhinocéros avait capté c’qui s’préparait. Couvert d’sueur, y s’pointe, haletant, au coin d’la rue Castiglione. Y’a même pas l’kiff d’lancer l’baston. L’keum, qui mate l’périmètre d’puis l’haut d’la colonne, arme son flingue, vise précis, appuie. L’commodore, qu’mendie dans les rues depuis qu’y croit qu’son fils est taré, et l’daronne, qu’on a surnommée l’fille d’neige pour sa pâleur ouf, jettent leur torse d’vant pour tanker l’rhinocéros. Peine perdue. La balle perce sa peau, genre vrille ; on aurait pu penser, avec un semblant d’logique, qu’la mort d’vait taper direct. Mais on savait qu’dans c’pachyderme, y’avait l’jus du Seigneur. Y s’tire, l’cœur lourd, fam.

Si c’tait pas prouvé qu’y’est trop bon pour une d’ses créatures, j’plaindrais l’keum d’la colonne ! L’gars, d’un coup sec du poignet, ramène l’corde lestée. Hors d’la normale, ses balancements font swinguer Mervyn, l’dome vers l’bas. Y chope, vite fait avec ses mains, une longue guirlande d’immortelles, qu’relie deux coins d’la base, où y cogne son front. Y emporte avec lui, dans l’ciel, c’qui était pas un point fixe, reckon.

Après avoir entassé à ses pieds, en ellipses superposées, un gros bout du câble, d’façon qu’Mervyn reste pendu à mi-hauteur d’l’obélisque d’bronze, l’forçat évadé fait prendre, d’la main droite, au p’tit un spin accéléré, régulier, dans un plan parallèle à l’axe d’la colonne, et ramasse, d’la main gauche, les enroulements serpentins d’la corde, qui traînent à ses pieds.

L’fronde siffle dans l’air ; l’corps d’Mervyn suit partout, toujours à l’écart du centre par l’jus centrifuge, gardant sa place mouvante et à égale distance, dans un cercle aérien, libre d’la matière. L’sauvage civilisé lâche, ptit à ptit, jusqu’à l’aut’ bout, qu’y tient avec une palme ferme, c’qui r’ssemble à tort à une barre d’acier, mate.

Y s’met à courir autour d’la rambarde, s’tenant à la rampe d’une main. C’te manœuvre change l’premier plan d’rotation du câble, booste sa tension, déjà ouf. Maintenant, y tourne classe, dans un plan horizontal, après avoir glissé, ptit à ptit, à travers des plans obliques. L’angle droit formé par l’colonne et l’fil végétal a ses côtés égaux ! L’bras du renégat et l’outil d’meurtre s’fondent dans une unité linéaire, genre les bouts atomiques d’un rayon d’lumière qui tape une chambre noire.

Les théorèmes d’méca m’laissent causer comme ça ; hélas ! on sait qu’une force, ajoutée à une aut’, font une résultante mix des deux premières ! Qui oserait dire qu’l’corde linéaire s’serait pas d’jà pété, sans l’force d’l’athlète, sans l’qualité du chanvre, bruv ?

L’corsaire aux locks dorés, d’un coup sec, stoppe sa vitesse chopée, ouvre l’main, lâche l’câble. L’contre-choc d’c’te opé, carrément à l’inverse des autres, fait craquer l’rambarde dans ses joints. Mervyn, suivi d’la corde, r’ssemble à une comète traînant sa queue enflammée. L’anneau d’fer du nœud coulant, brillant aux rayons du soleil, t’pousse à compléter l’illusion toi-même, fam.

Dans l’arc d’sa parabole, l’condamné à mort fend l’atmosph’, jusqu’à la rive gauche, l’dépasse par l’force d’pulsion qu’j’prends pour infinie, et son corps va cogner l’dôme du Panthéon, pendant qu’la corde enlace, en partie, d’ses plis, l’mur supérieur d’l’immense coupole.

C’sur sa surface sphérique, bombée, qu’r’ssemble à une orange juste pour l’forme, qu’on mate, à toute heure du jour, un squelette séché, resté pendu. Quand l’vent l’balance, on dit qu’les étudiants du Quartier Latin, flippant l’même sort, lâchent une prière rapide : c’des bruits bidon qu’t’es pas forcé d’croire, bons juste à faire peur aux mômes, reckon.

Y tient entre ses mains crispées, genre grand ruban d’vieilles fleurs jaunes. Faut capter l’distance, et personne peut jurer, même avec d’bons yeux, qu’c’est vraiment ces immortelles dont j’t’ai causé, qu’une baston inégale, près du nouvel Opéra, a vu s’détacher d’un piédestal grandiose. N’empêche qu’les draperies en croissant d’lune captent plus l’vibe d’leur symétrie clean dans l’nombre quatre : va checker toi-même, si tu m’crois pas, mate !

Les Flows de Maldoror (Cinquième Flow)

Les Flows de Maldoror

Cinquième Flow

Bar 1

Yo, fais pas l’chaud si mon flow te kiffe pas, bruv. Tu dis qu’mes délires sont chelous au moins, et t’as raison, keum carré, c’est d’la vrai, mais une vrai à moitié, ye ken. Et chaque vrai bancale, c’pas une putain d’fontaine à boulettes et malentendus ? Les crews d’étourneaux ont leur style d’vol, un truc à eux, genre drill carré, comme une bande ultra rodée qui capte direct l’call d’un seul boss, mate. C’l’instinct qui les drive, ça les pousse à s’coller au cœur du pack, mais leur speed les fait toujours dépasser, du coup, c’te masse d’oiseaux, tous branchés sur l’même point aimanté, qui vont et viennent, zigzaguent et s’croisent dans tous les sens, ça forme un tourbillon hardcore, un bordel qui bouge sans cap clair, mais qui donne l’vibe d’se twister sur lui-même, un mix des petites vibes de chaque bout, et l’centre, qui veut s’étirer mais s’fait compresser, repoussé par les lignes d’côté qui pèsent, reste plus serré qu’les autres, et ces lignes, plus elles s’rapprochent du centre, plus elles s’tassent, ye ken.

Même avec c’te façon zarbi d’tourbillonner, les étourneaux niquent l’air à une vitesse de ouf, chopant du terrain chaque seconde, pour claquer la fin d’leur grind et l’but d’leur quête, fam. Toi aussi, mate pas d’travers si j’rappe ces couplets à la sauce bizarre, kiffe juste que l’vrai jus d’la poésie garde son emprise sur mon crâne, bruv. J’veux pas faire l’gros deal sur des cas à part, mon style, c’dans l’game des trucs possibles, pas d’cap. C’clair, entre ta vibe lit, comme tu l’capte, et la mienne, y’a un tas d’entre-deux, les couper, c’d’l’enfantillage, mais ça sert à que dalle, et ça risque d’foutre un truc étroit et pété à une idée ultra philo qui perd son sens si t’la piges pas large, comme j’l’ai rêvée, mate.

Toi, tu mixes l’feu et l’froid d’dans, keum qui zieute, concentré à mort ; pour moi, t’es nickel… et tu veux pas m’piger ! Si t’es pas en forme, prends mon conseil, l’meilleur que j’ai pour toi, va kiffer l’air d’la campagne, fam. Triste plan B, t’en dis quoi ? Une fois l’oxygène chopé, reviens m’voir, tes sens s’ront plus chill. Pleure plus, j’voulais pas t’faire d’la peine. C’pas vrai, mon pote, qu’tu kiffes un peu mes flows, jusqu’à un point ? Alors, qu’est-c’qui t’bloque pour grimper plus haut ? La ligne entre ton goût et l’mien, elle est invisible, tu l’choperas jamais : preuve qu’cette ligne existe même pas, bruv. Réfléchis, juste un p’tit coup là-d’ssus, p’têt qu’t’as signé un deal avec l’têtard, cette meuf cool, fille d’mule, qui pisse l’intolérance à fond, ye ken.

Si j’savais pas qu’t’es pas un boloss, j’t’ferais pas c’genre d’clash. Ça t’sert à rien d’te crisper dans la coque cartilagineuse d’un principe que tu crois en béton. Y’a d’autres principes en béton qui roulent à côté du tien, fam. Si t’es à donf sur l’caramel, blague ouf d’la nature, personne va t’jeter l’œil ; mais ceux qu’ont un cerveau plus burné, taillé pour des trucs plus gros, qui kiffent l’poivre et l’arsenic, y’ont leurs raisons, sans vouloir coller leur règle peace à ceux qui flippent devant une souris ou l’vibe carré d’un cube, reckon.

J’parle d’vécu, pas là pour jouer l’clash à deux balles, bruv. Comme les rotifères et tardigrades qu’prennent des chaleurs de fou sans crever, toi aussi, si t’capte, doucement, l’jus acide qui suinte d’l’agacement d’mes délires balèzes, tu tiendras. C’pas d’la vanne, on a greffé la queue d’un rat mort sur l’dos d’un rat vivant, nan ? Essaie d’te caler dans l’tête mes switchs d’raison niquée, mais fais gaffe. Là, tout d’suite, des frissons nouveaux secouent l’air intello : faut juste l’cran d’les mater en face, mate.

Pourquoi tu tires cette gueule ? T’ajoutes même un move qu’on copy qu’avec du taff long. Crois-moi, l’habitude, c’le boss d’tout ; vu qu’la répulsion d’base, dès l’premier page, a bien baissé, plus t’avances dans l’lecture, comme un abcès qu’on perce, faut kiffer l’espoir, même si ton crâne est encore pété, ta guérison va bientôt taper sa dernière ligne droite, pas d’doute. Pour moi, t’es d’jà en mode recovery, mais ta gueule reste maigre, putain… courage ! T’as un esprit pas commun, j’t’aime, et j’perds pas espoir qu’tu t’libères total, si t’avales quelques médocs qui vont juste speeder la fin des derniers signes d’ta galère, fam.

Pour un casse-dalle corsé et boostant, arrache d’abord les bras d’ta daronne (si elle est encore là), découpe-les en p’tits bouts, et bouffe-les en un jour, la gueule neutre, pas un frisson. Si ta daronne est trop vieille, chope un autre cobaye, plus jeune, plus frais, où l’bistouri va mordre, avec des os qui flippent facile en marchant, ta frangine par exemple. J’peux pas m’empêcher d’plaindre son sort, et j’suis pas d’ceux qu’ont un kiff glacial qui joue l’bon cœur. Toi et moi, on va lâcher deux larmes lourdes pour elle, c’te meuf kiffée (mais j’ai pas d’preuve qu’elle soit vierge), deux larmes d’plomb. Basta, bruv.

L’potion l’plus douce qu’j’te file, c’un bassinet plein d’pus gluant à grains, où t’as d’jà mixé un kyste poilu d’ovaire, un chancre à follicules, un prépuce en feu, retourné par un blocage hardcore, et trois limaces rouges. Si tu suis mes ordres, ma poésie va t’prendre dans ses bras, comme un pou qui suce la racine d’un cheveu avec ses baisers, ye ken.


Bar 2

Devant moi, j’zieute un truc planté sur un monticule, bruv. J’capte pas net sa caboche, mais j’sens qu’c’pas du classique, sans caler pile les contours. J’ose pas m’rapprocher d’c’te colonne figée ; même avec les pattes speed d’trois mille crabes (j’parle pas d’celles pour choper ou mâcher l’grub), j’resterais cloué, si un truc, ultra léger en soi, m’avait pas taxé ma curiosité à bloc, jusqu’à c’qu’elle pète ses barrières, ye ken. Un scarabée, roulant sa boule d’merde avec ses mandibules et antennes, fonce vers l’monticule, style « j’suis locké sur c’te voie », pas plus gros qu’une vache, c’te bestiole à segments ! Si t’doutes d’mon délire, ramène-toi, j’calme les plus sceptiques avec des témoins solides, mate. J’le suis d’loin, grave intrigué, fam. Y veut quoi avec c’te grosse boule noire ? Toi, l’lecteur, toujours à flex ton cerveau affûté (et t’as pas tort), tu peux m’dire ? J’veux pas t’griller sur ta passion des énigmes, bruv. Sache juste qu’la punition la plus douce qu’j’te file, c’d’t’faire capter qu’ce mystère s’ouvrira (ouais, s’ouvrira) qu’plus tard, à la fin d’ta vie, quand tu d’battras philo avec l’agonie au bord d’ton pieu… p’têt même à la fin d’ce couplet, reckon. L’scarabée chope l’bas du monticule. J’ai calé mes pas sur ses traces, mais j’suis encore loin d’l’action ; parc’que, comme les stercoraires, ces oiseaux flippés genre toujours à sec, qui kiffent les mers polaires et s’pointent qu’par hasard dans les zones chill, moi aussi j’suis pas peace, j’traîne mes guibolles ultra mollo, mate. C’quoi, c’te matière charnelle vers quoi j’avance ? J’sais qu’la bande des pélécaninés split en quatre : l’fou, l’pélican, l’cormoran, la frégate. C’te forme grisâtre, c’pas un fou. C’bloc plastique, c’pas une frégate. C’te chair cristallisée, c’pas un cormoran, bruv. Là, j’le vois, l’keum avec l’cerveau sans bosse annulaire ! J’fouille vague dans les plis d’ma mémoire, dans quel coin brûlant ou glacé j’ai d’jà capté c’te longue, large, bombée, voûtée, à arête marquée, griffée, renflée et ultra crochue au bout ; ces bords dentés, droits ; c’te mandibule inférieure, branches séparées jusqu’à la pointe ; l’intervalle comblé par une peau membraneuse ; c’te poche jaune, sacciforme, qui squatte l’gosier et s’étire à donf ; ces narines ultra fines, presque invisibles, creusées dans un sillon basal ! Si c’te bestiole à poumons, poilue, était oiseau jusqu’aux pieds, pas juste jusqu’aux épaules, j’l’aurais tagué direct, fastoche, tu vas voir. Sauf qu’cette fois, j’passe, pour que mon speech soit clair, j’b’soin d’un d’ces oiseaux sur mon bureau, même empaillé. Sauf qu’j’ai pas l’cash pour, fam. En suivant une vieille vibe, j’l’aurais calé direct, sa vraie nature, et trouvé sa place dans l’grand livre d’la nature, c’keum qu’j’admire pour sa pose noble mais malade. Quel kiff d’savoir qu’j’suis pas total à l’ouest sur ses doubles vibes, et quelle faim d’en choper plus, j’le mate dans son switch durable ! Même sans gueule d’keum, y m’semble stylé comme les deux longs filaments d’un insecte ; ou plutôt, comme un enterrement speed ; ou encore, comme l’loi qui r’bâtit les organes niqués ; et surtout, comme un liquide ultra pourri ! Mais, sans zieuter c’qui s’passe à côté, l’inconnu mate toujours d’vant lui, avec sa tête d’pélican, bruv ! Un aut’ jour, j’finirai c’te histoire. Mais là, j’pousse mon récit avec un zèle glauque ; parc’que si toi, t’es pressé d’capter où mon délire va (si seulement c’t’ait qu’du délire, putain !), moi, j’suis locké pour tout lâcher d’un coup, pas en deux ! Personne peut m’clash pour manque d’cran, tho. Mais face à c’te scène, plus d’un sent son cœur cogner dans sa paume, reckon. Y vient d’clamser, quasi incognito, dans un p’tit port breton, un maître d’côte, vieux marin, héros d’un conte hardcore. À l’époque, cap’tain au long cours, bossant pour un armateur d’Saint-Malo. Après treize mois d’absence, y débarque chez lui, sa meuf, encore alitée, vient d’pondre un héritier qu’y r’connaît pas. L’cap’tain cache sa surprise et sa rage, d’mande froid à sa meuf d’se saper et d’l’suivre sur les remparts d’la ville. Janvier, les remparts d’Saint-Malo sont hauts, l’vent du nord claque, même les balèzes reculent. La pauv’ suit, chill et résignée ; en r’entrant, elle délire. Elle crève dans l’noir. Mais c’t’ait qu’une meuf. Moi, keum, face à un drame aussi ouf, j’sais pas si j’ai tenu ma gueule assez fixe, fam ! Dès qu’le scarabée chope l’bas du monticule, l’keum lève l’bras vers l’ouest (pile là, un vautour des agneaux et un grand-duc d’Virginie s’tapent dans l’ciel), essuie une larme longue, genre diamant, sur son bec, et lâche au scarabée : « Pauv’ boule ! T’as pas assez roulé ? Ta vengeance, toujours pas calmée ; et déjà, c’te meuf, qu’t’as ligotée avec des colliers d’perles, jambes et bras, pour en faire un polyèdre chelou, traînée par tes griffes à travers vallées, chemins, ronces, caillasses (laisse-moi m’rapprocher, voir si c’t’encore elle !), ses os s’sont creusés d’blessures, ses membres lissés par l’grind d’la rotation, fondus dans l’clot, son corps, au lieu d’ses lignes d’base et courbes naturelles, montre l’vibe plat d’un bloc uni qui r’ssemble trop, par l’bordel d’ses bouts éclatés, à une sphère ! Ça fait un bail qu’elle est morte ; lâche ces restes à la terre, et fais gaffe d’pas pousser ta rage trop loin, c’plus d’la justice ; l’égoïsme, planqué dans les plis d’ton front, s’lève doucement, genre fantôme, en soulevant l’drap qui l’cache, bruv. » L’vautour des agneaux et l’grand-duc d’Virginie, tirés par l’bazar d’leur fight, s’rapprochent d’nous. L’scarabée tremble face à c’te parole inattendue, et c’qui aurait été un tic léger ailleurs d’vient là l’signe d’une furie sans limite ; y frotte ses cuisses arrière contre ses élytres, lâchant un son aigu d’ouf : « T’es qui, toi, keum sans couilles ? On dirait qu’t’as zappé des délires bizarres d’antan ; t’les garde pas en tête, mon frangin. C’te meuf nous a niqués, l’un après l’autre. Toi l’premier, moi l’deuxième. J’trouve qu’cette insulte doit pas (doit pas !) s’effacer si vite. Si vite ! Toi, ton cœur balèze te laisse pardonner. Mais, tu sais si, malgré l’état pété d’ses atomes, réduite à d’la pâte à pain (on s’fout d’savoir si on dirait pas qu’c’te masse a gonflé plus par l’grind d’grosses roues qu’par ma furie), elle existe encore ? Ferme-la, et laisse-moi venger, fam. » Y r’prend son manège, pousse sa boule d’vant lui, s’tire. Quand y’s’éloigne, l’pélican hurle : « C’te meuf, avec son pouvoir d’sorcière, m’a collé une tête d’palmipède, et switché mon frangin en scarabée : p’têt qu’elle mérite pire que c’que j’viens d’lister, mate. » Et moi, pas sûr d’pas rêver, captant, d’ce qu’j’ai entendu, l’vibe hostile qui lie, là-haut, dans un fight sanglant, l’vautour des agneaux et l’grand-duc d’Virginie, j’bascule ma tête en arrière, genre capuche, pour libérer mes poumons, et j’gueule vers l’ciel : « Vous là, arrêtez vot’ clash. Vous avez tous les deux raison ; elle vous a promis l’amour à chacun, donc elle vous a baisés ensemble. Mais vous êtes pas seuls. En plus, elle vous a volé vot’ forme d’keum, s’foutant d’vos douleurs sacrées. Vous doutez d’moi ? Elle est morte ; et l’scarabée lui a collé une punition qui marque à vie, malgré la pitié du premier trahi. » À ces mots, y z’arrêtent leur beef, plus d’plumes ni d’chair arrachées : y z’ont raison d’calmer l’jeu. L’grand-duc d’Virginie, stylé comme un rapport sur l’courbe qu’trace un clebs en courant après son boss, s’glisse dans les failles d’un couvent pété. L’vautour des agneaux, stylé comme l’loi qui bloque l’croissance du torse chez les keums trop grands pour l’fuel qu’y z’absorbent, s’perd dans l’ciel haut. L’pélican, dont l’pardon balèze m’a scotché, parc’que j’le trouve pas naturel, r’prend sur son monticule l’calme d’un phare, genre pour avertir les navigateurs d’faire gaffe à son exemple, d’éviter l’amour des sorcières sombres, zieutant toujours d’vant. L’scarabée, stylé comme l’tremblement des paluches d’un alcoolo, s’efface à l’horizon, fam. Quatre vies d’plus rayées du livre d’la life. J’m’arrache un muscle entier du bras gauche, parc’que j’sais plus c’que j’fais, tellement j’suis secoué par c’te galère à quatre. Et moi, qui croyais qu’c’t’ait juste d’la merde. Quel boloss j’suis, va, reckon.


Bar 3

Yo, l’crash par à-coups des vibes humaines, quoi qu’ton cerveau veuille kiffer, c’pas juste des mots, bruv. Pas l’genre d’paroles qu’t’entends tous les jours, mate. Qu’y lève la main, l’keum qui pense qu’c’est carré d’d’mander à un bourreau d’l’écorcher à vif. Qu’y bombe l’torse avec un sourire kiffant, c’lui qui s’jette d’lui-même sous les bastos d’la mort. Mes yeux vont chasser l’marque des cicatrices ; mes dix doigts vont s’concentrer à fond pour tâter la chair d’ce taré ; j’vais checker si l’sang d’cerveau a giclé sur l’satin d’mon front, ye ken. Un keum, fan d’ce genre d’torture, ça s’trouve pas dans l’univers, nan ? J’connais pas l’rire, vrai, j’l’ai jamais senti moi-même. Mais, c’s’rait pas d’la pure connerie d’croire qu’mes lèvres s’ouvriraient pas si j’voyais un mec jurer qu’ce taré existe quelque part, fam ?

C’que personne voudrait pour sa life, moi, j’l’ai chopé, tirage pété. C’pas qu’mon corps baigne dans l’lac d’la souffrance, ça passe. Mais l’esprit, y s’dessèche avec des pensées ultra serrées, toujours tendues ; y hurle comme les grenouilles d’un marais quand une bande d’flamants voraces et d’hérons affamés s’crash sur les joncs du bord, reckon. Kiffant, l’keum qui dort peace dans un lit d’plumes, arrachées d’l’eider, sans capter qu’y s’trahit lui-même. Plus d’trente piges qu’j’ai pas dormi. Depuis l’jour maudit d’ma naissance, j’ai juré une haine à mort aux planches qui font pioncer. C’moi qui l’ai voulu ; qu’personne soit accusé. Vite, dégagez c’te suspicion foireuse, bruv.

Tu mates, sur mon front, c’te couronne blême ? C’la ténacité qui l’a tressée, doigts maigres. Tant qu’un fond d’sève brûlante coule dans mes os, genre torrent d’métal fondu, j’dormirai pas. Chaque nuit, j’force mon œil livide à bloquer sur les étoiles, à travers les vitres d’ma piaule. Pour être sûr d’mon coup, un bout d’bois cale mes paupières gonflées. Quand l’aube d’barque, j’suis toujours là, même pose, corps droit, collé au plâtre du mur froid, mate. Mais des fois, j’rêve, sans lâcher une sec l’vibe claire d’qui j’suis et l’libre move : capte que l’cauchemar planqué dans les coins phospho d’l’ombre, la fièvre qui tâte ma gueule avec son moignon, chaque bestiole crade qui sort sa griffe sanglante, ben, c’ma volonté qui les fait tourner en boucle, pour nourrir son grind non-stop, fam.

Vrai, atome qui s’venge dans sa faiblesse à donf, l’libre arbitre crache, avec un flow balèze, qu’la connerie fait pas partie d’ses reufs : c’lui qui dort, c’moins qu’une bête châtrée la veille, bruv. Même si l’insomnie traîne ces muscles, puant l’cyprès, vers l’fond d’la fosse, jamais l’catacombe blanche d’mon cerveau ouvrira ses portes aux yeux du Créateur. Une justice secrète et classe, vers ses bras tendus où j’fonce par instinct, m’ordonne d’courser sans répit c’te punition dégueu. Ennemi hardcore d’mon âme imprudente, quand on allume un falot sur l’côte, j’interdis à mes reins pétés d’se poser sur l’rosée d’l’herbe. Vainqueur, j’kick les pièges d’ce pavot faux-cul, reckon.

Du coup, c’clair, dans c’te lutte zarbi, mon cœur a muré ses plans, affamé qui s’bouffe lui-même. Impénétrable comme les géants, moi, j’vis tout l’temps les yeux grands ouverts. Au moins, c’prouvé qu’le jour, chaque keum peut claquer une défense solide contre l’Grand Truc d’Dehors (c’qui connaît son blaze ?), parc’que là, l’volonté veille sur ses backs avec un acharnement ouf. Mais dès qu’le voile d’la brume nocturne s’étire, même sur les condamnés qu’vont s’faire pendre, oh, voir son cerveau dans les paluches sacrilèges d’un inconnu ! Un scalpel hardcore fouille ses broussailles épaisses. La conscience lâche un long râle d’malédiction ; son voile d’pudeur prend des déchirures crades. Humiliation ! Not’ porte est ouverte à la curiosité sauvage du Bandit Céleste, fam.

J’ai pas mérité c’te torture infâme, toi, l’espion dégueu d’ma cause ! Si j’existe, j’suis pas un autre. J’accepte pas c’te pluralité cheloue en moi. J’veux squatter solo dans mon raisonnement profond. L’autonomie… ou qu’on m’change en hippo. Crève sous terre, stigmate anonyme, et r’viens pas d’vant ma rage flippée. Ma subjectivité et l’Créateur, c’trop pour un seul cerveau, bruv.

Quand l’noir bouffe l’cours des heures, qui a pas lutté contre l’vibe du sommeil, dans son pieu trempé d’sueur glacée ? C’lit, attirant les forces mourantes contre son torse, c’qu’un tombeau d’planches d’sapin taillées. La volonté s’tire doucement, face à une force invisible. Une poix dégueu épaissit l’cristallin des yeux. Les paupières s’cherchent comme deux potes. L’corps, c’qu’un cadavre qui r’spire. Enfin, quatre pieux balèzes clouent tous les membres au matelas. Et mate, steup, les draps, c’juste des linceuls. V’là l’cassette où crame l’encens des religions. L’éternité gueule, genre mer lointaine, et s’ramène à grands pas. L’appart s’est barré : prostern’z-vous, keums, dans l’chapelle ardente !

Des fois, s’battant pour rien contre les failles du corps, au cœur du sommeil l’plus lourd, l’sens magnétisé capte, choqué, qu’y’s’plus qu’un bloc d’tombe, et raisonne ouf, posé sur une finesse d’balle :

« S’barrer d’ce pieu, c’plus chaud qu’on croit. Assis sur l’charrette, on m’traîne vers l’banc des potences. Truc ouf, mon bras mort a chopé l’raideur d’une souche. C’crade d’rêver qu’tu marches à l’échafaud, fam. »

L’sang gicle à fond sur l’gueule. L’poitrail claque des soubresauts, s’gonfle avec des sifflets. L’poids d’un obélisque étouffe l’feu d’la rage. L’vrai a niqué les rêves d’la somnolence ! Qui sait pas que, quand l’combat s’éternise entre l’moi, blindé d’fierté, et l’vague hardcore d’la catalepsie, l’esprit taré perd l’cap ? Bouffé par l’désespoir, y s’kiffe dans son mal, jusqu’à c’qu’y domine l’nature, et qu’l’sommeil, voyant sa proie s’tirer, s’casse pour d’bon, l’aile vénère et honteuse, loin d’son cœur, mate.

Balance d’la cendre sur mon orbite en feu. Zieute pas mon œil qu’se ferme jamais. Tu captes l’grind qu’j’mange (mais l’orgueil kiffe) ? Dès qu’la nuit pousse les keums au repos, un mec qu’j’connais, y trace à grands pas dans l’campagne. J’flippe qu’ma résolution s’casse face aux coups d’la vieillesse. Qu’vienne c’jour maudit où j’m’endormirai ! Au réveil, mon rasoir, taillant l’cou, prouvera qu’rien était plus réel, bruv.


Bar 4

— Yo, c’qui !… c’qui ose, là, genre comploteur, traîner ses anneaux vers mon torse noir, bruv ? Peu importe qui t’es, python chelou, c’quoi ton excuse bidon pour c’te présence débile ? Un gros remords qui t’bouffe ? Parc’que, mate, boa, ta majesté sauvage, j’parie qu’elle s’la joue pas assez pour esquiver l’comparo qu’j’fais avec l’gueule d’un criminel, ye ken. C’te bave mousseuse, blanchâtre, pour moi, c’l’signe d’la rage. Écoute : tu captes qu’ton œil, y boit pas l’moindre rayon d’ciel ? Zappe pas, si ton cerveau gonflé pensait qu’j’pouvais t’balancer des mots d’réconfort, c’serait juste parc’que t’es à l’ouest total sur l’lecture d’gueule. P’tit moment, assez long, braque l’lueur d’tes yeux sur c’que j’ai l’droit, comme n’importe qui, d’appeler ma face ! Tu vois pas qu’ça chiale ? T’as merdé, basilic. Faut qu’tu cherches ailleurs l’p’tite dose d’soulagement qu’mon impuissance totale t’coupe, malgré tous mes speechs d’bonne foi. Oh ! quelle force, en phrases, t’a fatalement tiré vers ta perte ? Presque infaisable d’piger qu’tu captes pas qu’en claquant, d’un coup d’talon, sur l’gazon rougi, les courbes d’ta tête triangulaire, j’pourrais pétrir un mastic dégueu avec l’herbe d’la savane et l’chair d’l’écrasé, mate.

— Tire-toi vite fait d’ma vue, coupable à la gueule blême ! L’mirage foireux d’la flippe t’a montré ton propre spectre ! Lâche tes soupçons crades, si tu veux pas qu’j’te clash à mon tour, et qu’j’balance contre toi une plainte qu’l’faucon bouffeur d’serpent validerait direct. C’quoi c’te délire tordu d’l’imaginaire qui t’bloque d’me r’connaître ! T’as zappé les gros services qu’j’t’ai rendus, l’vie qu’j’ai fait pop du chaos, et d’ton côté, l’juron, gravé à jamais, d’pas lâcher mon drapeau, d’rester fidèle jusqu’à l’claps ? Gamin (ton cerveau claquait stylé à c’t’époque), t’étais l’premier à grimper l’colline, speed comme un isard, pour saluer, d’un geste d’ta p’tite paluche, les rayons multicolores d’l’aube naissante. Les notes d’ta voix fusaient, d’ton larynx qui sonnait, comme des perles diamantées, et s’fondaient ensemble dans un long hymne d’kiff vibrant. Maintenant, tu kick ma patience, trop longue, à tes pieds, genre chiffon crado d’boue. La reco, ses racines s’sont séchées, comme l’lit d’une mare ; mais l’ambition a poussé dans des tailles qu’j’galère à nommer. C’qui, c’keum qui m’écoute, pour flexer si fort sur l’abus d’sa faiblesse, fam ?

— Et t’es qui, toi, matière audacieuse ? Nan !… nan !… j’me plante pas ; et malgré tes switchs d’forme à gogo, ta tête d’serpent brillera toujours d’vant mes yeux, phare d’l’injustice éternelle, et d’la domination hardcore ! Y’a voulu choper les rênes du boss, mais y sait pas régner ! Y’a voulu d’venir l’cauchemar d’tous les êtres d’la création, et y’a réussi. Y’a voulu prouver qu’lui seul, c’l’monarque d’l’univers, et là, y s’est planté. Ô misérable ! T’as attendu jusqu’à c’t’heure pour capter les murmures et complots qui montent, tous en même temps, d’la surface des sphères, frôlant d’une aile sauvage les bords d’ton tympan pété ? Y’est pas loin, l’jour où mon bras t’fera mordre l’poussière, empoisonnée par ton souffle, et, arrachant d’tes tripes une vie nuisible, laissera ton cadavre, tordu d’contorsions, sur l’chemin, pour montrer au voyageur flippé c’te chair qui pulse, qui l’choque et cloue sa langue muette, qu’faut plus comparer, si on garde l’sang-froid, qu’à l’tronc pourri d’un chêne, tombé d’vétusté, reckon !

C’quoi c’te pensée d’pitié qui m’retient d’vant toi ? Toi, recule plutôt d’vant moi, j’te dis, et va laver ta honte sans fin dans l’sang d’un môme tout juste né : c’tes vibes, c’toi. Elles sont à ta hauteur. Vas-y… trace toujours d’vant. J’te condamne à errer. J’te condamne à rester solo, sans famille. Marche non-stop, jusqu’à c’que tes guibolles t’lâchent. Traverse les sables des déserts jusqu’à c’que l’monde engloutisse les étoiles dans l’néant. Quand tu pass’ras près d’la tanière du tigre, y s’barrera vite fait, pour pas mater, comme dans un miroir, son propre délire monté sur l’socle d’la perversion ultime, ye ken.

Mais, quand l’fatigue hardcore t’ordonne d’stopper d’vant les dalles d’mon palais, blindées d’ronces et d’chardons, fais gaffe à tes sandales en lambeaux, et franchis, sur l’bout des pieds, l’classe des vestibules. C’pas un conseil bidon. Tu pourrais réveiller ma jeune meuf et mon p’tit, couchés dans les caveaux d’plomb qui longent les fondations d’l’ancien château. Si t’prends pas tes précautions, leurs hurlements d’sous terre t’feraient blêmir. Quand ta volonté blindée leur a piqué l’existence, y savaient qu’ta puissance était hardcore, aucun doute là-d’ssus ; mais, y s’attendaient pas (et leurs adieux finaux m’ont confirmé leur foi) qu’ta Providence s’rait aussi impitoyable, fam !

Quoi qu’y s’passe, traverse vite ces salles vides et silencieuses, aux lambris d’émeraude, mais aux blasons fanés, où chôment les statues stylées d’mes ancêtres. Ces corps d’mabre sont vénères contre toi ; esquive leurs regards vitreux. C’un conseil d’la langue d’leur seul et dernier descendant. Mate comme leur bras s’lève, genre défi prêt à claquer, la tête fière, basculée en arrière. C’clair, y z’ont capté l’dirt qu’tu m’as fait ; et si tu passes près des socles glacés qui tiennent ces blocs sculptés, la vengeance t’attend, bruv.

Si t’as d’quoi répondre pour ta défense, lâche. Trop tard pour chialer maint’nant. Fallait chialer quand l’moment était propice. Si tes yeux s’ouvrent enfin, juge toi-même l’impact d’ton délire. Adieu ! J’me casse kiffer l’breeze des falaises ; mes poumons, à moitié étouffés, gueulent pour un spectacle plus peace et clean qu’le tien, mate !


Bar 5

Yo, pédés zarbi, c’pas moi qui vais vous balancer des insultes sur vot’ chute hardcore ; c’pas moi qui vais cracher l’mépris sur vot’ cul en entonnoir, fam. Suffit qu’les saloperies d’maladies, quasi sans remède, qui vous collent, trimballent leur punition cash, bruv. Y’all qui pondent des lois débiles, qui bricolent une morale étroite, dégagez d’mon air, j’suis une âme carré, no cap. Et vous, jeunes keums, ou plutôt meufs, expliquez-moi comment et pourquoi (mais restez loin, steup, moi non plus j’contrôle pas mes flammes) la vengeance a poussé dans vos cœurs, pour tatouer l’flanc d’l’humanité d’blessures pareilles. Vous l’faites rougir d’ses propres gosses avec vos moves (moi, j’kiffe grave !) ; vot’ prostipute, offerte au premier qui passe, fait vriller la logique des penseurs les plus balèzes, pendant qu’vot’ vibe ultra sensible remplit l’verre d’la stupéfaction même des meufs. Vous êtes moins ou plus ancrés qu’les autres ? Vous captez un sixième sens qu’on n’a pas ? Jouez pas faux, lâchez c’que vous pensez. C’pas une question ; depuis qu’j’observe la classe ouf d’vos cerveaux, j’sais d’quoi ça retourne, reckon.

Soyez bénis par ma main gauche, sanctifiés par la droite, anges sous mon love global. J’kisse vot’ gueule, vot’ torse, mes lèvres douces kiffent chaque bout d’vot’ corps clean et parfumé. Pourquoi vous m’avez pas dit direct c’que vous étiez, pures vibes d’une beauté d’âme au top ? J’ai dû capter solo les trésors d’tendresse et d’pureté planqués dans les battements d’vos cœurs à bloc. Poitrine pimpée d’guirlandes d’roses et d’vétyver. J’ai dû écarter vos cuisses pour vous piger, ma bouche scotchée aux marques d’vot’ pudeur. Mais (gros point à capter), zappez pas d’nettoyer vos parties tous les jours à l’eau chaude, sinon des chancres crades vont pop sur les coins pétés d’mes lèvres affamées, mate.

Oh, si l’univers, ‘stead d’être un enfer, était juste un gros cul céleste, zieute l’geste qu’j’fais vers mon bas-ventre : ouais, j’aurais planté ma queue à travers son sphincter sanglant, niquant, par mes coups déchaînés, les parois d’son bassin ! L’malheur m’aurait pas aveuglé avec des dunes d’sable mouvant ; j’aurais chopé l’spot secret où l’vrai dort, et les rivières d’mon sperme gluant auraient trouvé un océan où s’jeter ! Mais pourquoi j’me prends à regretter un délire imaginaire qui s’ra jamais validé ? Perdons pas d’temps à bâtir des hypothèses bidon, ye ken.

Pour l’instant, l’keum qu’a l’feu d’sauter dans mon pieu, qu’y m’trouve ; mais j’pose une règle hardcore : max quinze piges. Qu’y pense pas qu’j’en ai trente ; ça change quoi ? L’âge éteint pas l’feu des vibes, loin d’là ; et même si mes locks sont blancs comme neige, c’pas l’vieux âge : c’pour l’vibe qu’tu captes. Moi, j’kiffe pas les meufs ! Ni les hermaphro non plus ! J’veux des keums qui m’ressemblent, avec l’noblesse humaine gravée en gros sur l’front, bien nette, ineffaçable ! T’es sûr qu’celles aux cheveux longs sont d’ma race ? J’crois pas, et j’changerai pas d’avis, fam.

Une salive dégueu coule d’ma bouche, j’capte pas pourquoi. Qui veut m’la siphonner pour m’libérer ? Ça monte… toujours plus ! J’pige : j’ai vu qu’quand j’bois l’sang d’la gorge d’ceux qui s’couchent avec moi (on m’tague vamp à tort, les vampires, c’des morts qu’quittent l’tombeau ; moi, j’suis bien vif), l’lendemain, j’crache un bout : v’là l’délire d’la salive pourrie. Qu’esse j’peux y faire si mes organes, niqués par l’vice, bloquent l’grind d’la bouffe ? Mais, balancez pas mes secrets à personne. C’pas pour moi qu’j’dis ça ; c’pour vous et les autres, pour qu’l’charme du secret tienne en cage ceux qu’risquent, aimantés par l’jus d’l’inconnu, d’vouloir m’copier, bruv.

Jette un œil à ma bouche (pas l’temps pour plus d’politesse là) ; elle t’frappe direct par sa forme, sans ramener l’serpent dans tes comparos ; j’la crispe à fond pour faire genre j’suis froid. T’sais qu’c’est l’inverse. Si j’pouvais mater, à travers ces pages ouf, la gueule d’celui qui m’lit. S’il a pas passé l’puberté, qu’y s’rapproche. Serre-moi fort, flippe pas d’me faire mal ; resserrons nos muscles, tout doux, plus fort. J’sens qu’c’est useless d’insister ; l’papier, opaque à bloc, c’un mur chiant pour qu’on s’jointe full, reckon.

Moi, j’ai toujours eu un kiff crade pour les jeunes pâlichons des collèges, les mômes crevés des usines ! Mes mots, c’pas l’écho d’un rêve, et j’aurais trop d’tapes à démêler si j’devais vous flasher les scènes qui prouvent ma putain d’vérité. La justice humaine m’a pas encore chopé en flag, malgré l’finesse d’ses flics. J’ai même niqué (y’a pas si longtemps !) un pédé qui s’pliait pas assez à mon feu ; j’ai balancé son corps dans un puits pété, et y’a pas d’preuves solides contre moi, fam.

Pourquoi tu trembles, p’tit keum qui m’lis ? Tu crois qu’j’te ferais l’même coup ? T’es ultra pas juste… T’as raison : méfie-toi d’moi, ‘surtout si t’es beau. Mes parties, toujours en mode gonflé, glauque ; personne peut jurer (et combien s’en sont approchés !) qu’y les a vues chill, même l’gratte — merde qui m’y a planté un couteau dans un délire. L’ingrat, bruv !

J’change d’fringues deux fois par s’maine, pas juste pour l’propre — sinon, l’humanité s’rait ghost en quelques jours, bloquée dans des bastons sans fin. Ouais, où qu’j’sois, y m’collent, viennent lécher la peau d’mes pieds. C’quoi l’jus d’mes gouttes d’sperme, pour attirer tout c’qui respire avec des nerfs d’flair ? Y d’barquent des rives d’l’Amazone, traversent les vallées du Gange, lâchent l’lichen polaire, font des treks de ouf pour m’trouver, d’mandent aux villes figées si y z’ont pas vu passer, une sec, l’keum dont l’sperme sacré parfume les montagnes, les lacs, les bruyères, les forêts, les caps et l’immense des mers, mate !

L’désespoir d’pas m’croiser (j’me planque dans les coins les plus paumés pour booster leur feu) les pousse aux pires conneries. Y s’mettent trois cent mille d’chaque côté, et l’rugissement des canons lance l’clash. Toutes les ailes s’lèvent d’un coup, genre un seul guerrier. Les carrés s’forment et s’cassent direct, plus d’retour. Les ch’vaux flippés s’tirent partout. Les boulets labourent l’sol, genre météores sans pitié. L’ring du fight, c’qu’un gros champ d’boucherie quand l’noir s’pointe et qu’la lune, muette, brille entre les déchirures d’un nuage. En m’montrant du doigt des lieues d’cadavres, l’croissant flou d’c’t’astre m’ordonne d’pauser une sec, comme sujet d’réflexions graves, les conséquences hardcore qu’traîne mon talisman chelou, cadeau d’la Providence, reckon.

Putain, combien d’siècles avant qu’l’humanité crève total sous mon piège vicieux ! C’t’ainsi qu’un cerveau finaud, sans s’la péter, use même les blocs qui s’raient des murs blindés pour choper son but. Toujours, mon esprit grimpe vers c’te question balèze, et t’es témoin qu’j’peux plus coller au p’tit sujet qu’j’voulais drop au départ, fam.

Dernier mot… c’t’ait une nuit d’hiver. Pendant qu’la bise sifflait dans les sapins, l’Créateur a ouvert sa porte dans l’noir et fait rentrer un pédé, bruv.


Bar 6

Chut ! Y’a un cortège d’enterrement qui passe à côté d’vous. Pliez vos deux genoux vers l’terre et lâchez un chant d’outre-tombe, fam. (Si vous prenez mes mots plus comme un p’tit push qu’un ordre carré qui claque pas ici, vous montrez du style, du top niveau, bruv.) Ça pourrait grave kiffer l’âme du mort, qui va s’reposer d’la vie dans une fosse. Moi, j’suis sûr d’ça, mate. J’dis pas qu’votre avis peut pas un peu clasher l’mien ; mais l’truc clé, c’d’avoir des bases carrées sur la morale, genre chacun doit capter l’vibe d’faire aux autres c’qu’on kifferait p’têt qu’on nous fasse, ye ken.

L’prêtre des religions ouvre la marche, un drapeau blanc dans une main, vibe peace, et dans l’autre, un emblème doré des parties d’keum et d’meuf, genre pour dire qu’ces bouts d’chair, sans chichi, sont souvent des outils hardcore entre les mains d’ceux qui les jouent à l’aveugle pour des plans qui s’bastonnent entre eux, au lieu d’claquer une contre-attaque clean contre la passion qu’on connaît, celle qui fout presque tous nos galères. Au bas d’son dos, y’a une queue d’cheval (fausse, c’clair) aux crins épais, qui balaye l’poussière. Ça dit d’faire gaffe à pas s’rabaisser au level des bêtes par nos moves, mate.

L’cercueil capte son chemin, suit l’tunique flottante du consolateur. Les proches et potes du mort, par leur place, ont décidé d’fermer l’cortège. L’truc avance avec classe, genre vaisseau qui déchire l’grand large, sans flipper d’couler ; là, les tempêtes et écueils s’font ghost, rien d’moins qu’leur absence qui s’capte. Les grillons et crapauds suivent à quelques pas la fête mortuaire ; eux aussi savent qu’leur p’tite présence aux funérailles d’qui qu’ce soit leur s’ra comptée un jour. Y causent à voix basse dans leur langue crue (soyez pas trop fiers, laissez-moi filer c’conseil gratos, à croire qu’vous seul savez traduire les vibes d’vot’ tête) d’ce keum qu’y z’ont maté plus d’une fois foncer dans les prairies vertes, plonger l’sueur d’ses membres dans les vagues bleutées des golfes sableux, fam.

Au début, la vie lui a souri, sans arrière-pensée, l’a couronné d’fleurs en mode ouf ; mais vu qu’votre cerveau pige, ou plutôt sent, qu’y s’est stoppé aux bornes d’l’enfance, j’ai pas b’soin, sauf si un vrai retrait s’pointe, d’pousser plus loin les intros d’ma démo carrée. Dix piges. Chiffre calqué pile, à s’y paumer, sur l’nombre d’doigts d’la main. C’peu et c’beaucoup. Mais là, j’m’appuie sur vot’ kiff d’la vérité pour qu’vous disiez, avec moi, sans perdre une sec, qu’c’est peu, bruv.

Et quand j’cogite vite fait sur ces mystères glauques, où un keum s’efface d’la terre, facile comme une mouche ou une libellule, sans l’espoir d’repop, j’me chope à couver un regret vif d’pas vivre assez longtemps pour vous spliquer clean c’que j’prétends pas capter moi-même. Mais, vu qu’par un hasard chelou, j’ai pas encore clamsé depuis l’temps loin où j’ai kické l’phrase d’avant, flippé, j’calcule qu’c’est pas useless d’balancer l’aveu full d’mon impuissance totale, ‘surtout quand, comme là, ça touche c’te question balèze et intouchable, mate.

En gros, c’un truc zarbi, c’te vibe qui nous pousse à chasser (puis lâcher) les ressemblances et différences planquées dans les props naturelles des trucs les plus opposés, parfois les moins faits, en surface, pour c’genre d’mix curieux qui, parole, filent au style d’un écrivain, qui s’kiffe là-d’dans, un flow ouf, genre hibou sérieux jusqu’à l’éternité. Alors, on suit l’courant qui nous tire, fam.

L’milan royal a des ailes plus longues que les buses, vol ultra smooth, vit dans l’ciel. Y s’pose quasi jamais, parcourt des espaces ouf chaque jour ; c’pas une chasse, pas une traque d’proie, ni même une explo — y chasse pas — l’vol, c’son état naturel, sa vibe préférée. On peut pas s’empêcher d’kiffer comment y gère. Ses ailes longues et fines semblent figées ; c’la queue qui drive tous les moves, et elle foire jamais : elle bosse non-stop. Y grimpe sans forcer, s’baisse comme s’il glissait sur un plan incliné, nage plus qu’y vole ; y booste sa course, la ralentit, s’arrête, reste planté, genre suspendu, des heures entières. On capte aucun move dans ses ailes : t’ouvres les yeux comme une porte d’four, ça sert à que dalle, bruv.

Chacun a l’bon sens d’avouer, pas trop d’gaieté d’cœur, qu’y capte pas direct l’lien, même hyper loin, qu’j’pointe entre l’classe du vol du milan royal et celle d’la silhouette d’l’enfant, s’levant doucement au-d’ssus du cercueil ouvert, genre nénuphar qui perce l’eau ; et c’juste là qu’c’est l’faute impardonnable d’rester bloqué dans une ignorance choisie où on croupit. Ce lien d’calme majestueux entre les deux bouts d’ma comparo narquoise, c’déjà trop commun, un symbole assez clair, pour qu’j’sois plus choqué qu’ça puisse avoir, comme seule excuse, c’te vibe banale qu’attire un deep sentiment d’indifférence injuste sur tout truc ou spectacle touché. Comme si c’qu’on voit tous les jours méritait pas d’réveiller not’ kiff, reckon !

À l’entrée du cime, l’cortège s’presse d’stopper ; y veut pas aller plus loin. L’fossoyeur finit d’creuser l’trou ; on y pose l’cercueil, tout en mode précaution max ; quelques pelletées d’terre surprises recouvrent l’corps d’l’enfant. L’prêtre des religions, au milieu d’la foule émue, lâche quelques mots pour bien caler l’mort dans l’tête des gens, mate.

« Y dit qu’y s’étonne grave qu’on verse autant d’larmes pour un truc si p’tit. Textuel. Mais y flippe d’pas qualifier assez c’qu’y appelle un bonheur sûr. S’y pensait qu’la mort est si peu cool dans sa simplicité, y’aurait lâché son taf, pour pas booster l’douleur légit des proches et potes du mort ; mais une voix secrète lui dit d’filer un peu d’consolation, pas useless, même juste l’espoir d’un r’trouvailles soon dans l’ciel entre c’lui qu’a clamsé et ceux qu’ont tenu, fam. »

Maldoror s’tire à fond d’train, genre cap sur les murs du cime ; les sabots d’son canasson soulèvent une couronne d’poussière épaisse, fausse, autour d’son boss. Vous, vous captez pas l’blase d’ce cavalier ; moi, j’le capte. Y s’rapproche encore ; sa gueule d’platine commence à s’voir, même si l’bas est full planqué dans un manteau qu’vous z’avez pas zappé, laissant juste les yeux dehors. En plein speech, l’prêtre des religions blêmit d’un coup, son oreille chopant l’galop bancal d’ce cheval blanc légendaire, jamais loin d’son maître, bruv.

« Ouais, » y r’met, « j’ai max confiance dans c’te rencontre proche ; là, on pigera, mieux qu’avant, c’qu’y faut capter dans l’break temp d’l’âme et du corps. C’lui qu’croit vivre ici s’berce d’un délire qu’y s’rait temps d’faire évaporer, ye ken. »

L’bruit du galop tape plus fort ; et comme l’cavalier, serrant l’horizon, d’barque dans l’champ d’vue d’la porte du cime, rapide comme un cyclone qui tourne, l’prêtre des religions, plus grave, r’prend :

« Vous captez pas qu’c’lui-là, qu’la maladie a bloqué aux premiers pas d’la vie, qu’la fosse vient d’choper, c’l’vrai vivant ; mais sachez, au moins, qu’ce keum, dont vous zieutez l’ombre cheloue emportée par un cheval nerveux, et qu’j’vous conseille d’mater vite fait, parc’qu’y’s’réduit à un point, prêt à s’perdre dans l’bruyère, même s’y a grave vécu, c’le seul vrai mort, fam. »


Bar 7

« Chaque nuit, quand l’sommeil claque son max d’puissance, une vieille araignée, genre grosse race, sort mollo sa tête d’un trou dans l’sol, pile à un croisement des coins d’la piaule, fam. Elle tend l’oreille grave pour capter si un bruissement fait encore vibrer ses mandibules dans l’air. Vu sa vibe d’insecte, elle peut pas faire moins, si elle veut pimper l’littrature avec des images ouf, que d’coller des mandibules au moindre son, bruv. Quand elle check que l’silence règne autour, elle tire, un par un, sans cogiter, les bouts d’son corps des profondeurs d’son nid, et avance à pas d’fourmi vers mon pieu. Truc ouf ! Moi, qui repousse l’sommeil et les cauchemars, j’me sens bloqué, corps total en panne, quand elle grimpe les pieds d’ébène d’mon lit d’satin. Elle m’serre l’gosier avec ses pattes, et m’pompe l’sang avec son bide. Tout simple ! Combien d’litres d’cette liqueur rouge, vous captez l’blase, elle a siphonné, depuis qu’elle joue c’manège avec un acharnement qu’mériterait mieux, ye ken ? J’pige pas c’que j’lui ai fait pour qu’elle m’fume comme ça. J’lui ai p’têt niqué une patte par mégarde ? Volé ses p’tits ? Ces deux théories bancales tiennent pas l’check sérieux ; elles font même pas taffer un haussement d’épaules ou un rictus, même si faut pas s’foutre d’la gueule d’personne. Fais gaffe, tarentule noire ; si t’as pas un syllogisme béton pour t’couvrir, une nuit, j’vais m’réveiller en sursaut, dernier coup d’ma volonté qui crève, j’vais briser l’charme qui fige mes membres, et t’écraser entre mes doigts, genre pâte molle dégueu. Mais, vague, j’me souviens qu’j’t’ai filé l’feu vert pour laisser tes pattes crawler sur ma poitrine qui s’ouvre, jusqu’à la peau d’ma gueule ; donc, j’peux pas t’forcer à stop. Oh ! qui va démêler mes souvenirs pétés ? J’lui donne c’qui reste d’mon sang comme récompense : en comptant la dernière goutte, y’en a pour remplir au moins l’moitié d’une coupe d’fiesta, mate. »

Il cause, et y s’désape non-stop. Y pose une jambe sur l’matelas, l’autre appuie l’parquet d’saphir pour s’hisser, et s’retrouve à l’horizontale. Y’a juré d’pas fermer les yeux, pour affronter son ennemi d’plein fouet. Mais, chaque fois, y s’promet pas l’même, et c’te promesse tordue s’fait toujours niquer par l’ombre cheloue d’son serment maudit, bruv ? Y dit plus rien, s’résigne avec l’douleur ; pour lui, un serment, c’sacré. Y s’enroule classe dans les plis d’la soie, snobe d’nouer les glands d’or d’ses rideaux, et, posant ses longues mèches noires bouclées sur les franges d’l’oreiller d’ve­lours, y tâte, avec la main, l’large plaie d’son cou, où l’tarentule a pris l’truc d’se caler, comme dans un deuxième nid, pendant qu’sa gueule respire l’kiff. Y’espère qu’c’te nuit (kiffez avec lui !) verra l’dernier show d’cette pompe ouf ; son seul souhait, c’que l’bourreau finisse sa life : la mort, et y’s’ra peace, fam.

Matez c’te vieille araignée, grosse race, qui sort mollo sa tête d’un trou dans l’sol, à un croisement des coins d’la piaule. On n’est plus dans l’récit, là. Elle capte à fond si un bruissement fait encore taffer ses mandibules dans l’air. Merde ! On est dans l’vrai maint’nant, pour c’qui touche l’tarentule, et même si on pourrait coller un point d’exclam à chaque phrase, c’pas une raison pour s’en passer ! Elle check que l’silence tient l’terrain ; la v’là qui tire, un par un, sans cogiter, les bouts d’son corps du fond d’son nid, et avance à pas d’fourmi vers l’pieu d’l’keum solo. Un instant, elle s’stoppe ; mais c’court, c’moment d’hésite. Elle s’dit qu’c’pas encore l’moment d’lâcher l’grind, qu’faut d’abord balancer au condamné des raisons carrées qui fixent l’supplice pour toujours. Elle s’cale à côté d’l’oreille du keum qui dort, mate.

Si vous voulez pas rater un mot d’c’qu’elle va lâcher, dégagez les trucs parasites qui bloquent l’entrée d’vot’ esprit, et soyez au moins reco du kiff que j’vous file, en vous faisant mater ces scènes théâtrales qui m’semblent mérit’r une vraie attention d’votre part ; parc’que, qui m’empêcherait d’garder ces événements juste pour moi, ye ken ?

« Réveille-toi, flamme d’amour des vieux jours, squelette à sec. L’temps est venu d’stopper l’main d’la justice. On va pas t’faire poireauter longtemps pour l’explication qu’tu veux. Tu nous captes, hein ? Mais bouge pas tes membres ; t’es encore sous not’ pouvoir magnétique aujourd’hui, ton cerveau est en mode off : c’la dernière fois. C’que la gueule d’Elseneur fout dans ton délire ? T’as zappé ! Et c’Réginald, au pas fier, t’as gravé ses traits dans ton crâne fidèle ? Mate-le, planqué dans les plis des rideaux ; sa bouche s’penche vers ton front, mais y’ose pas causer, y’est plus timide qu’moi. J’vais t’raconter un bout d’ta jeunesse, t’remettre sur l’rail d’la mémoire… »

Ça fait un bail qu’l’araignée a ouvert son bide, d’où deux jeunes keums en robes bleues ont jailli, chacun un glaive en flammes en main, posés des deux côtés du lit, genre gardiens du sanctuaire du sommeil pour de bon, fam.

« C’lui-là, qui t’mate encore, parc’qu’y t’a grave kiffé, c’l’premier d’nous deux qu’t’as marqué d’ton amour. Mais tu l’as fait galérer avec les coups d’gueule d’ton caractère. Lui, y bossait dur pour qu’tu trouves jamais d’raison d’le clasher : un ange aurait pas fait mieux. Un jour, tu lui d’mandes s’y veut s’baigner avec toi, côté mer. Vous deux, genre cygnes jumeaux, vous sautez d’une falaise à pic. Plongeurs balèzes, vous glissez dans l’eau, bras tendus au-d’ssus d’la tête, mains jointes. Quelques minutes, vous nagez entre deux courants. Vous r’montez loin, cheveux emmêlés, dégoulinant d’sel. Mais c’qui s’est passé sous l’eau pour qu’une longue traînée d’sang s’voie dans les vagues ? Remonté, toi, tu traces, jouant l’aveugle face à l’fade d’ton pote. Y perd d’la force vite, et toi, tu pousses tes brassées larges vers l’horizon brumeux qu’se barre d’vant toi. L’blessé hurle sa détresse, et toi, t’es sourd. Réginald claque trois fois l’écho d’ton blase, et trois fois, tu r’ponds par un cri d’kiff. Y’est trop loin d’la côte pour r’venir, s’tue à suivre tes traces pour t’choper, poser sa main sur ton épaule, chiller un tic. La chasse pourrie dure une heure, lui, perdant son jus, et toi, sentant l’tien grimper. Sans espoir d’t’égaler, y fait une p’tite prière au Boss pour son âme, s’met sur l’dos, genre planche, son cœur cognant fort sous son torse, et attend qu’la mort boucle, plus rien à attendre. Là, tes membres balèzes s’perdent d’vue, filant toujours, vite comme une sonde lâchée. Une barque, d’retour d’poser ses filets au large, passe par là. Les pêcheurs prennent Réginald pour un naufragé, l’tirent, évanoui, dans l’bâteau. On capte une blessure au flanc droit ; ces matelots rodés balancent qu’aucun récif ou bout d’roche peut faire un trou si fin et si profond. Une lame tranchante, genre stylet ultra pointu, peut s’vanner d’être l’père d’c’te blessure fine. Lui, y’a jamais voulu raconter l’plongeon, ses phases dans les tripes des vagues, et c’secret, y l’a gardé jusqu’à maintenant. Des larmes coulent sur ses joues un peu délavées, tombent sur tes draps : l’souvenir, des fois, c’plus amer qu’l’truc lui-même. Mais moi, j’vais pas d’la pitié : ça s’rait t’filer trop d’respect. Roule pas ces yeux vénères dans leurs orbites. Reste peace, plutôt. Tu sais qu’tu peux pas bouger. D’ailleurs, j’ai pas fini mon récit, mate. »

« Lève ton glaive, Réginald, et zappe pas la vengeance si vite. Qui sait ? P’têt qu’un jour, elle viendra t’faire des reproches. »

« Plus tard, t’as chopé des remords, vite effacés ; t’as juré d’réparer en choisissant un autre pote, pour l’bénir, l’honorer. Par c’te vibe d’rachat, t’effaçais les taches du passé, en filant à c’lui qu’est d’venu la deuxième victime l’kiff qu’t’avais pas su montrer au premier. Espoir bidon ; l’caractère s’change pas du jour au lendemain, et ta volonté est restée la même. Moi, Elsseneur, j’t’ai vu l’premier coup, et d’puis, j’pouvais pas t’zapper. On s’est matés un instant, et t’as souri. J’baissais les yeux, parc’que j’voyais une flamme ouf dans l’tien. J’me d’mandais si, sous l’coup d’une nuit noire, t’avais glissé d’la surface d’une étoile jusqu’à nous ; parc’que, j’le confesse, maint’nant qu’faut pas jouer, t’avais pas l’vibe des porcs d’l’humanité ; une auréole d’rayons blindés entourait ton front. J’voulais des liens serrés avec toi ; ta noblesse cheloue m’faisait flipper, une peur tenace rôdait. Pourquoi j’ai pas écouté les alertes d’ma conscience ? Pressentiments solides. Voyant mon hésite, t’as rougi, t’as tendu l’bras. J’ai serré ta main, courageux, et après, j’me sentais plus fort ; un souffle d’ton cerveau m’avait atteint. Cheveux au vent, kiffant les bourrasques, on a tracé un moment à travers des bosquets blindés d’mastique, jasmin, grenadiers, orangers, leurs odeurs nous saoulaient. Un sanglier a frôlé nos sapes à fond, une larme tombait d’son œil quand y m’a vu avec toi : j’pigeais pas son délire. À la nuit tombante, on chope les portes d’une ville pleine. Les dômes, flèches d’minarets, boules d’mabre des belvédères découpaient leurs dents dans l’noir, sur l’bleu ouf du ciel. Mais t’as pas voulu chiller là, même crevés. On a longé l’bas des remparts, genre chacals nocturnes ; on a esquivé les sentinelles aux aguets ; et on a filé par l’porte d’en face, loin d’cette bande solennelle d’bêtes pensantes, civilisées comme des castors. L’vol d’un fulgore porte-lanterne, l’craquement des herbes sèches, les hurlements en pointillés d’un loup loin accompagnaient l’noir d’notre trek paumé dans l’campagne. C’tait quoi tes raisons carrées pour fuir les ruches humaines ? J’me posais la question, un peu secoué ; mes guibolles commençaient à m’lâcher après c’grind trop long. On a fini par choper l’bord d’un bois épais, arbres mêlés par un bordel d’lianes hautes, plantes parasites, cactus aux épines monstrueuses. T’as stoppé d’vant un bouleau. T’m’as dit d’m’agenouiller, m’préparer à crever ; tu m’donnais un quart d’heure pour quitter l’terre. Quelques regards furtifs, pendant not’ longue course, jetés en douce sur moi quand j’te mattais pas, des gestes chelous dont j’avais capté l’rythme bancal, m’ont flashé direct, genre pages ouvertes d’un livre. Mes doutes s’confirmaient. Trop faible pour t’fumer, tu m’jettes à terre, comme l’ouragan casse la feuille du tremble. Ton genou sur mon torse, l’autre sur l’herbe mouillée, une main bloquant mes deux bras dans son étau, j’vois l’autre sortir un couteau d’la gaine à ta ceinture. J’résiste à peine, j’ferme les yeux : un troupeau d’bœufs s’fait entendre au loin, porté par l’vent, fonçant comme une loco, poussé par l’bâton d’un pâtre et les crocs d’un clebs. Pas d’temps à perdre, t’as pigé ; flippant d’pas finir, parc’qu’un secours chelou boostait mon jus, et voyant qu’tu pouvais bloquer qu’un bras à la fois, t’as fait vite, un coup d’lame qui m’coupe l’poignet droit net. L’morceau, tranché propre, tombe par terre. T’as filé pendant qu’la douleur m’assomme. J’te raconterai pas comment l’pâtre m’a sauvé, ni l’temps qu’ma guérison a pris. Sache juste qu’cette trahison, pas prévue, m’a filé l’envie d’courir après l’mort. J’ai squatté les bastons, offrant mon torse aux coups. J’ai chopé d’la gloire sur les champs d’bataille ; mon nom faisait flipper même les plus chauds, tellement ma main d’fer bidon semait l’carnage et l’ruine chez l’ennemi. Mais un jour, les obus tonnaient plus fort qu’jamais, les escadrons, arrachés d’leur base, tourbillonnaient, genre pailles, sous l’cyclone d’la mort, un cavalier, démarche hardcore, s’pointe d’vant moi, pour m’voler l’palme d’la victoire. Les deux armées s’figent, muettes, pour nous mater. On s’bat longtemps, criblés d’blessures, casques pétés. D’un commun deal, on pause, pour souffler, r’prendre plus fort. Chacun, kiffant son adversaire, lève sa visière : « Elsseneur !… », « Réginald !… », c’les seuls mots qu’nos gorges à bout d’souffle lâchent ensemble. Lui, noyé dans l’désespoir d’une tristesse sans fond, avait pris, comme moi, l’chemin des armes, et les balles l’avaient épargné. Dans quel délire on s’retrouvait ! Mais ton blase, pas prononcé ! Lui et moi, on s’jure une amitié éternelle ; mais, clair, pas comme les deux premières où t’étais l’acteur star ! Un archange, tombé du ciel, messager du Boss, nous ordonne d’nous fondre en une seule araignée, et d’v’nir chaque nuit t’sucer l’gosier, jusqu’à c’qu’un ordre d’en haut stoppe l’supplice. Presque dix piges qu’on hante ton pieu. Dès aujourd’hui, t’es libre d’notre traque. L’promesse vague dont tu causais, c’pas à nous qu’tu l’as filée, mais à l’Être plus balèze qu’toi : t’as capté qu’vaut mieux plier sous c’décret béton. Réveille-toi, Maldoror ! L’charme magnétique qui pèse sur ton système cérébro-spinal, pendant les nuits d’deux lustres, s’tire, fam. »

Y s’réveille comme ordonné, zieute deux formes célestes s’effacer dans l’ciel, bras enlacés. Y r’tente pas d’pioncer. Y sort, un par un, ses membres d’son pieu. Y va réchauffer sa peau glacée aux braises rallumées d’l’cheminée gothique. Juste sa chemise sur l’dos. Y cherche des yeux l’carafe d’cristal pour mouiller son palais sec. Y ouvre les volets d’la fenêtre. Y s’appuie sur l’bord. Y mate l’lueur d’la lune qui verse, sur son torse, un cône d’rayons ouf, où des grains d’argent, doux à mort, frétillent comme des mites. Y attend l’crépuscule du matin pour switch l’décor, un p’tit soulagement bidon pour son cœur à l’envers, bruv.